Aux armes citoyennes
Le 5 décembre 2018
Sans avoir l’air de rien, cette série B qui surfe sur la tendance des réseaux sociaux, tire à balles réelles ; elle explose joyeusement l’Amérique trumpienne et retoque son puritanisme hypocrite et son patriarcat ultra conservateur.
- Réalisateur : Sam Levinson
- Acteurs : Bill Skarsgård, Odessa Young, Hari Nef
- Genre : Drame, Thriller
- Distributeur : Apollo Films
- Durée : 1h48mn
- Date de sortie : 5 décembre 2018
- Festival : Paris International Fantastic Film Festival 2018/PIFFF 2018
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Résumé : Lily et ses trois meilleures amies, en terminale au lycée, évoluent dans un univers de selfies, d’emojis, de snapchats et de sextos. Mais lorsque Salem, la petite ville où elles vivent, se retrouve victime d’un piratage massif de données personnelles et que la vie privée de la moitié des habitants est faite publique, la communauté sombre dans le chaos. Lily est accusée d’être à l’origine du piratage et prise pour cible. Elle doit alors faire front avec ses camarades afin de survivre à une nuit sanglante et interminable.
- © 2018 Erostratus LLC. Tous droits réservés.
Notre avis : L’histoire est un éternel recommencement et, en choisissant comme décor de son jeu de massacre la ville de Salem, Sam Levinson - fils de Barry - titille l’imaginaire collectif pour démontrer, d’une façon certes facile et outrancière, que les grands maux d’hier sont aussi ceux de cette société américaine contemporaine patriarcale et trop blanche.
Le film relate la montée progressive d’une hystérie collective, d’un repli sur soi dévastateur et de la recherche d’un bouc émissaire à toutes les frustrations subies par une nation bien incapable de se regarder en face.
- Courtesy of Neon
Assassination Nation commence presque comme un teen movie légèrement plus trash que les autres, si ce n’est le programme plus extrême annoncé en voix off par le personnage principal, illustré à la façon d’une bande-annonce par des extraits épileptiques de séquences à venir. On peut craindre alors le film un peu écervelé.
Mais très vite, l’héroïne Lily commence à brosser le portrait du monde qui l’entoure. Une société 2.0 des réseaux sociaux où tout le monde s’affiche, se met en scène, commente le moindre petit événement dans son micro-blog, tout en jugeant son voisin. Tout commence à partir en vrille lorsqu’un mystérieux hacker rend accessible les fichiers privés du maire en place, qui a visiblement des mœurs plus libérées que son conservatisme et ses positions contre les droits des LGBTQ ne laissaient supposer. Scandale, désaveu puis conférence de presse tragique. Mais le citoyen s’en amuse sur les réseaux, il est même avide des derniers retournements de situation.
Puis c’est un autre notable qui est touché et, enfin, une bonne partie de la ville. Tout le monde sait tout sur tout le monde. Et ça dégénère.
- Courtesy of Neon
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Levinson va jusqu’au bout de sa logique. Il extrapole une réalité à partir d’une matière qui est une source inépuisable d’inspiration : ses concitoyens. D’une Amérique toujours bien campée sur ses postures conservatrices, il en fait un magma bouillonnant de frustrations prêt à exploser à tout moment.
Et, évidemment, comme auparavant, c’est la femme qui est prise pour cible. Lorsque les péchés des hommes sont étalés sur la place publique, le mâle vexé, humilié dans sa virilité a vite fait de se tourner contre l’infâme tentatrice.
- Courtesy of Neon
Si au début le style est un peu trop appuyé, avec des split-screen et des montages alternés assez superficiels, le film se pose un peu plus par la suite, en utilisant des plans-séquences (dont un autour d’une intrusion dans une grande maison qui n’est pas sans rappeler les audaces d’un Brian De Palma) et, toujours, des montages alternés mais cette fois pour créer des montées en tension assez efficaces.
Le réalisateur et son chef opérateur, Marcell Rev (à l’œuvre sur La Lune de Jupiter), avec peu de moyens, accomplissent quelques audaces stylistiques qui rendent le film parfois protéiforme. C’est qu’ils essaient d’assimiler et de recomposer les nombreuses formes que peuvent prendre une image sur les réseaux.
Avec son ton oscillant fréquemment entre humour mordant, ironie, tragédie et gore, Assassination Nation fait feu de tout bois pour illustrer son propos. Mais surtout, sans faire de grands discours, pointe visuellement du doigt les problèmes pour les exploser les uns après les autres.
- © 2018 Apollo Films. Tous droits réservés.
La limite de l’exercice, peut-être, comme souvent, c’est que bien qu’il dénonce une avidité bien réelle de l’internaute pour les images les plus triviales, les plus violentes, tout en tombant dans une esthétisation de celle-ci qui gratifie le regard voyeur du spectateur. On lui pardonne. N’était-ce pas là le prix à payer pour ressentir la satisfaction face à la vengeance de ces quatre jeunes femmes habilitées à reprendre le pouvoir.
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