Aspirine . T1 - La chronique BD

Aspirine est étudiante en philosophie. Mais elle en sait plus que quiconque en la matière.
Elle agresse son professeur au détour d’un cours-fantôme dans un amphithéâtre universitaire peuplé d’un pauvre quintet d’élèves : trois jeunes filles superficielles amoureuses du "Maître", un garçon timide et notre Aspirine qui pète un plomb, engluée par l’ennui d’une vie à l’infinie.
Depuis les couleurs aux teintes orangées, violettes et rouges tranchantes, vives et agressives - qui entourent notre héroïne quand elle est chez elle - la coloriste Brigitte Findakly nous envoie en orbite dans le bleu du ciel par-delà lequel Aspirine fait une envolée à la Miró avec son professeur de philo. Elle tente la discussion, mais sans être comprise par ce dernier, ni prise au sérieux.
Celui qui pense tout connaître, celui qui est censé transmettre le savoir, saura-t-il entendre ce que la cyclothymique vampirette veut partager ou lui arrachera-t-elle le cœur pour en faire son bonheur gustatif ?

Œil pour œil, "sang pour sang"… De tueries en meurtres vengeurs elle rencontre Yidgor, qui la met minable à Warhammer.
Il devient son serviteur consentant. Et puis son meilleur psy probablement…
Le jeune homme sait faire preuve de sang-froid, le cœur chaud, un cœur en or, un cœur à prendre, le cœur un peu en vrac, mais le cœur sur la main.
Aspirine ne sait pas trop ce qu’elle veut, mais Yidgor fait ce qu’il peut et bien sûr, tout ce qu’elle souhaite (jamais "sang" son serviteur).

Les dialogues surréalistes et la "Sfar touch" sont là, on peut cogiter à loisir entre les mots et les références philosophiques. En revanche, beaucoup de jurons et grossièretés laissent place aux bons mots auxquels nous a habitué l’auteur et c’est fort dommage.

Toute la rage d’un état entre deux âges est concentrée dans ces 140 pages, ce flottement traduit par les virées nocturnes volantes d’Aspirine au-dessus des toits Paris, où elle touche du bout des doigts son évolution mais où elle reste arrimée à l’enfant qui est en elle, contre sa volonté. Questionnement permanent, son état est éternel…

Vous sucerez cet ouvrage goulûment et y replongerez les crocs la nuit suivante, vous en dévorerez prestement les pages pour sa philosophie, l’absurdité à mourir de rire des situations et vous délecterez de ce deuxième passage à tabac qui vous permettra d’en retirer la substantifique moelle.
Ce livre choquant, déroutant par sa violence et peut traduire malheureusement l’état d’une jeunesse moderne malmenée et scarifiée.

Joann Sfar murmure déjà que Aspirine sera adaptée en film...à suivre.

Nota bene : On apprécie le petit clin d’œil au Don Quichotte de Terry Gilliam sorti récemment (coïncidence ?), la virée des deux gamins dans une librairie - qui ressemble à la Shakespeare and Company de Paris- et la critique du monde politique avec des petits jeux de mots, autant contre la droite que la gauche. Balle au centre…
Attention monsieur Sfar : ne jamais dire "mettre le dawa " au risque de passer pour un vieux qui veut faire le jeune. On dit "FOUTRE le dawa"…