Le 24 avril 2014
Une oeuvre crépusculaire et intense, qui filme au plus près la solitude de son héros désemparé.
- Réalisateur : Basil da Cunha
- Acteurs : Pedro Ferreira, Joao Veiga
- Genre : Drame
- Nationalité : Suisse
- Durée : 1h35mn
- Date de sortie : 23 avril 2014
- Festival : Festival de Cannes 2013
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Une oeuvre crépusculaire et intense, qui filme au plus près la solitude de son héros désemparé.
L’argument : Tout juste sorti de prison, Sombra reprend sa vie de dealer dans le bidon ville créole de Lisbonne. Entre l’argent prêté qu’il ne parvient pas à se faire rembourser et celui qu’il doit, un iguane fantasque, une petite voisine envahissante et un chef de bande qui se met à douter de lui, il se dit que, vraiment, il aurait peut-être mieux fait de rester à l’ombre...
Notre avis : Après la nuit décrit la trajectoire crépusculaire de Sombra, un trafiquant nocturne et vagabond qui se retrouve endetté et doit fuir la ville pour échapper à son clan. Au sein de ce dernier règnent en effet la suspicion et la discorde depuis qu’un lot de « marchandise » a disparu, un soir de rave party. Ce sont les dernières heures de son héros que filme le cinéaste, prêtant une attention minutieuse à la situation sociale du personnage et à la violence qui organise les rapports entre trafiquants. La plupart des scènes montrent les relations tendues qui se nouent et se dénouent au gré des rivalités individuelles et des préférences d’un chef arbitraire. L’argument du vol exhibe ainsi une tension constante au sein de cette microsociété et permet d’en représenter les codes, les valeurs, les affrontements. Le style incisif du cinéaste, sa pratique du plan rapproché notamment, lui permettent de guetter les effusions de violence, épousant l’énergie de ses acteurs, le film dégageant en cela un certain « réalisme » ; mais encore faut-il préciser que ce dernier n’oeuvre qu’à l’arrière-plan du métrage, comme une toile de fond devant laquelle vont se déployer les fables, allégories et personnages rencontrés par Sombra. Après la nuit se démarque en effet du traitement convenu de son thème – la drogue, les cartels, leurs victimes, etc. - refusant par exemple les scènes de fusillades et ce qu’elles peuvent impliquer de « gore ». La violence, d’ailleurs, est rarement exhibée pour elle-même, mais de manière diffuse, comme un élément organisant les rapports au sein du clan. Au fond, le cinéaste la représente comme un fait du quotidien, comme une réalité certes problématique, mais supposée connue du spectateur, et sur laquelle il n’est pas utile de s’arrêter. Le meurtre du frère, par exemple, est quasiment hors-champ et le film ne s’attarde pas sur les échanges de balles. Simon Da Cunha semble ainsi soucieux de tenir à distance le didactisme coutumier de ce genre de métrages. Après la nuit n’a donc rien d’un film à thèse, qui se proposerait d’apporter une réponse aux problèmes posés par le trafic de drogue dans les bidonvilles : loin des lieux communs, le réalisateur filme surtout l’errance et la solitude d’un personnage hors-norme, Sombra lui-même, dont les rêves apparaissent rapidement comme des chimères, mais dont le désespoir connaît quelques répits au contact d’une galerie émouvante de personnages secondaires : la tante, la petite fille, ou le « crocodile » que le héros élève à l’abri du jour. Le cinéaste parvient en fait à réinventer le type du marginal solitaire, du vendeur de drogue en proie à la misère, pour s’intéresser davantage à ce que la tristesse de Sombra a d’existentielle, voire de métaphysique – refusant d’abord d’aller voir le sorcier que lui recommande sa tante, le héros finit par s’y rendre de lui-même, ce qui donne lieu à de très belles scènes d’extases, au cours desquelles le personnage semble s’abandonner à l’inspiration.
C’est que Sombra incarne en effet, bien plus que la jeunesse marginalisée par le pouvoir à laquelle il appartient, l’exemple du héros condamné par avance, et dont la révolte se manifeste moins dans les actes qu’à travers l’ethos poétique qui lui est propre. Le comédien Pedro Ferreira joue avec habileté de cet écart, incarnant à la perfection cet homme désemparé, à l’allure fantomatique, ne vivant que la nuit et qui semble refuser toute compromission avec le réel. Sombra est bien en effet un personnage d’un autre monde, appelé par un imaginaire cosmique, comme le montre du reste la scène d’adieux à l’enfant ; c’est ce qui l’oppose au reste de son clan, mû par l’intérêt et le seul souci de l’argent. On appréciera donc particulièrement la beauté de ce long-métrage, qui traite avec modestie d’une réalité bien connue mais que le cinéma nous a trop habitués à juger, avant-même de nous en représenter le tragique quotidien – et la beauté qui malgré tout, parfois, en émane. C’est aussi un puissant éloge de l’insoumission et de la rêverie, via ce héros sombre et atypique, dont la trajectoire fascinante est porteuse tour à tour, de désillusions et d’espoirs.
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