La tête sous l’eau
Le 9 février 2005
La fascination ambiguë d’une mère pour l’assassin de sa petite fille. Gourio maîtrise du début à la fin l’art du récit.


- Auteur : Jean-Marie Gourio
- Editeur : Julliard
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française

L'a lu
Veut le lire
Il faut avoir le cœur bien accroché pour avaler d’un bloc ce roman ne comportant aucun point. Pas facile d’interrompre sa lecture car les phrases se succèdent, composant une mélodie envoûtante et difficile à entendre. Jean-Marie Gourio a choisi de traiter un sujet dur et délicat, celui de la renaissance de Chantal, vingt-quatre ans, après l’assassinat sauvage de sa petite fille. Sandrine est âgée de six ans quand on retrouve son corps dans une rivière, tuée et abusée par un voisin. C’en est trop pour Simon, le père, qui ne survit pas à la douleur et se suicide.
Dès lors, le salut de Chantal passe par une confrontation avec le meurtrier, Jean, "Monsieur Jean", qu’elle vient chercher à sa sortie de prison pour l’héberger chez elle. De page en page, on plonge dans la conscience de cette mère détruite qui, dans un long monologue intérieur, exprime ses peines, ses doutes, ses frayeurs, ses angoisses et ses joies. En permanence en équilibre entre lucidité et folie, elle ouvre en grand les portes de sa fascination quasi morbide pour cet être qui lui a tout enlevé mais qui, paradoxalement, reste le seul individu capable de la raccrocher concrètement à ses souvenirs.
L’écriture de Gourio est ensorcelante du début à la fin. On s’immerge dans les bas-fonds sordides de l’âme humaine, époustouflante de ressources, fascinante de malléabilité. Ce texte est éminemment violent, mais d’une violence sourde, larvée, contenue. La relation pernicieuse qui s’instaure entre la mère et le meurtrier est aussi abjecte qu’elle est humaine. Et c’est bien là la grande force de l’écrivain. Donner visage humain à ce qui ne l’est plus...
Jean-Marie Gourio, Apnée, Julliard, 2005, 154 pages, 16 €