Le 25 mars 2022
Dans une mise en scène sobre et maîtrisée, Vincent Le Port raconte la mécanique monstrueuse d’un criminel étouffé par la pudibonderie. Un grand cinéaste est né.
- Réalisateur : Vincent Le Port
- Acteurs : Jean-Luc Vincent, Dimitri Doré, Roman Villedieu
- Genre : Teen movie, Drame carcéral, Drame social
- Nationalité : Français
- Distributeur : Capricci Films
- Durée : 1h41mn
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 23 mars 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : 1er septembre 1905. Un séminariste de dix-sept ans est arrêté pour le meurtre d’un enfant de douze ans. Pour comprendre son geste, des médecins lui demandent de relater sa vie depuis son enfance jusqu’au jour du crime. D’après l’histoire vraie de Bruno Reidal, jeune paysan du Cantal qui, toute sa vie, lutta contre ses pulsions meurtrières.
Critique : Il a la démarche gauche. Ses mains sont saisies de tremblements quand elles ne sont pas occupées à caresser son sexe. Les yeux sont enfoncés dans le crâne. Et la voie est fluette, comme si cet adolescent meurtrier n’était pas encore sorti de l’enfance. Bruno Reidal est un premier film. Et pourtant, il y a dans ce portrait acéré, grave, une maîtrise remarquable. On croirait revoir sur nos écrans la patte cruelle et précise d’un Maurice Pialat. L’écriture, la photographie, l’apparente simplicité de la direction d’acteurs sont l’œuvre d’un tout jeune réalisateur, aguerri au court-métrage, qui offre aux spectateurs le récit puissant de la construction du crime dans la tête d’un enfant.
- Copyright Les Bookmakers / Capricci Films
Les confessions du jeune homme sont rythmées par l’interrogatoire à la fois froid et empathique de trois médecins psychiatres. Les spécialistes recherchent chez ce garçon un penchant d’humanité. Ils voudraient entendre de sa bouche une jouissance du mal ou le remords. En réalité, Bruno raconte la culpabilité, la monstruosité s’emparer de lui. Il se réfugie dans les études, la religion pour fuir cette irrépréhensible envie de tuer. Le désir de mort est sexuel. D’ailleurs, son attention se tourne vers des garçons de son âge. On ne sait pas s’il est amoureux de leur bonheur, de leur beauté, ou seulement excité par l’envie de leur couper la tête. Vincent Le Port laisse le doute planer. C’est au seul spectateur de se façonner une idée de ce gamin qui lutte contre ses pulsions terribles.
La réussite du film est incontestablement liée à l’interprétation du comédien Dimitri Doré. Chaque geste, chaque regard, chaque parole relatent la complexité quasi insondable de ce jeune assassin. Le film fuit le voyeurisme et les excès. La folie est omniprésente, et pourtant, autant Dimitri Doré que Vincent Le Port ne la nomment jamais explicitement. Bruno Reidal synthétise la normalité et la perversité à la fois, ce qui ne le rend jamais monstrueux mais jamais attachant non plus. Il est l’ombre d’un meurtrier qui combat ses démons. Le long-métrage d’ailleurs dénonce un système de protection de l’enfance aberrant où les parents sont tout-puissants, au point de louer leurs enfants pour garder des bêtes. Car la douleur de l’enfant est présente dès les premières heures de sa vie, au cœur d’une famille maltraitante et mal aimante.
- Copyright Les Bookmakers / Capricci Films
Bruno Reidal est un long-métrage sidérant de maîtrise et de force narrative. Il guide le spectateur dans la psychologie troublée d’un adolescent qu’aucun d’entre nous ne voudrait croiser sur son chemin. A bas bruit, Vincent Le Port a ouvert le panthéon des grands réalisateurs français.
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