Le 1er octobre 2018
Saura s’empêtre dans les développements maladroits d’un sujet prometteur.
- Réalisateur : Carlos Saura
- Acteurs : Isabelle Adjani, Hanna Schygulla, Carlos Bracho, José Lavat, Narciso Busquets
- Genre : Drame
- Nationalité : Espagnol, Français, Mexicain
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Durée : 1h46mn
- Box-office : 164 766 entrées France / 74 294 Paris Périphérie
- Date de sortie : 26 janvier 1983
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Anna écrit un livre sur le suicide. Elle s’intéresse à Antonieta Rivas Mercado qui s’est tuée, en 1931, d’une balle dans le cœur dans la Cathédrale de Notre-Dame de Paris. Elle part à la recherche de son passé.
Critique : Antonieta s’ouvre et se ferme sur un suicide : au début, une animatrice télé se tue en direct ; à la fin, c’est l’héroïne qui donne son titre au film. Dans les deux cas, c’est sous le regard d’Anna, mais dans les deux cas les femmes l’ignorent, et pour cause : le premier est enregistré, le second s’est passé cinquante ans plus tôt. On ne sait d’ailleurs pas pourquoi Anna cherche à ce point à connaître les raisons du suicide ; certes, elle écrit un livre, mais le choix du sujet nous demeure étranger, sauf si l’on admet qu’en cherchant les raisons de la mort, elle réfléchit sur elle-même et les raisons de vivre. Ainsi la voit-on au début interroger une rescapée mutique jusqu’à ce qu’elle comprenne l’indécence de ses questions.
Mise sur la piste d’Antonieta Rivas Mercado, elle va à Notre-Dame de Paris où celle-ci s’est suicidée, mais les archives sont indisponibles et, sur un coup de tête, part sur ses traces au Mexique. Comme souvent chez Saura, le présent et le passé s’interpénètrent comme si les lieux gardaient le souvenir de ceux qui les ont fréquentés. Cela donne de belles séquences, les rencontres entre Hannah Schygulla et Isabelle Adjani étant nimbées d’un fantastique délicat. Hélas, le film fait aussi la part belle à des discussions historiques balourdes, et le cinéaste ne se départit pas d’une raideur compassée qui ankylose son métrage, quand il ne frise pas le ridicule avec les fusillades très mal maîtrisées.
Il y avait pourtant un beau sujet, complexe et retors, qui trouve son éclat dans le portrait d’Antonieta : jeune femme idéaliste, elle ne cesse de se confronter à la violence et à l’échec ; échec de son mariage, échec de son amour pour un peintre homosexuel, échec enfin quand elle s’engage auprès d’un candidat à la présidence qui perd et s’enfuit. Même si Adjani l’incarne de manière un peu trop diaphane, le personnage touche par sa sensibilité et sa répulsion devant le sang omniprésent. Car le Mexique du début du siècle, écartelé entre différentes révolutions et la mainmise des États-Unis, est présenté dès les premières séquences (un attentat devant Antonieta enfant, mais aussi les vestiges de l’Antiquité) comme une terre peuplée d’hommes armés : les revolvers sont partout et servent aussi bien à un jeu stupide qui consiste à en lancer un en l’air et attendre un tir arbitraire qu’à se défendre contre la menace permanente. Sans doute y a-t-il là un embryon de réflexion sur la fragilité de la vie, mais, en dehors de quelques phrases malhabiles, le film échoue à en faire un enjeu. Anna s’identifie, on le comprend bien, à cette femme déçue, mais Saura a du mal à faire sentir ce lien par-delà les années, lien qui devrait nous bouleverser et rendre la dernière séquence inoubliable.
Certes, Antonieta n’est pas anodin : son ambition, la réussite de certains plans (un voile qui sert de toit, des travellings parcourant lentement des pièces, l’entrée d’Adjani dans la cathédrale) ou le mélange des temporalités suffisent à intéresser. De même l’énigme de sa mort qui ne figure pas sur les registres ouvre-t-elle la voie à une réinterprétation de toute l’histoire ; reste que, de la part d’un cinéaste parfois très inspiré, on attendait mieux, beaucoup mieux. La tiédeur qui a accueilli le film à sa sortie nous semble, hélas, méritée.
- (C) Michel Berberian by Spadem 1982
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.