Le 22 juin 2024
Un joyeux jeu de massacre, tout à la fois film réaliste, farce et allégorie.
- Réalisateur : Carlos Saura
- Acteurs : Geraldine Chaplin, Fernando Fernán Gómez, Amparo Muñoz, Norman Briski, Rafaela Aparicio, Rita Maiden
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Editeur vidéo : Tamasa
- Durée : 1h34mn
- Titre original : Mamá cumple 100 años
- Date de sortie : 7 novembre 1979
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Critique : Film complexe et fluide à la fois, Maman a cent ans part d’une histoire simple, l’anniversaire d’une vieille dame, pour gratter là où ça fait mal, aller débusquer derrière de joyeuses apparences toute la névrose d’une société post-franquiste. Saura scénariste donne à Saura réalisateur de quoi mettre sa verve et sa finesse au profit d’une œuvre rigoureuse, dans laquelle il se permet tout : des moments fantastiques (les deux séquences de quasi-arrêt sur image, le « miracle » de l’arrivée du fils, l’omniscience de la grand-mère) rompent le réalisme et font de cette histoire simple une manière de conte cruel, avec apparitions et résurrection.
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En enfermant ses personnages dans un lieu unique, la maison de famille, Saura imagine une micro-société qui, très vite, devient une allégorie plus ou moins transparente de l’Espagne démocratique : José, le fils militaire décédé, représente un Franco farcesque qui tire sur un oiseau mécanique, mais « tenait » d’une main de fer ce petit monde. Lui disparu, les frustrations, les querelles, les haines recuites se révèlent au grand jour ; apprécions l’ironie de la grand-mère, qui n’espère qu’en l’ « étrangère », tant les Ibères libérés ont laissé éclater leur cupidité ; au fond, le vernis moral évanoui, ne restent que les mauvais penchants humains, ce dont la vieille dame se plaint. La démocratie est un combat difficile, semble dire Saura, et les pièges bien réels qui entourent la maison fonctionnent aussi symboliquement.
Ana, innocente, qui était domestique dans la maison avant son mariage, ne voit pas au début les êtres comme ils sont ; mais peu à peu ses yeux se dessillent : elle a devant elle un oncle obsédé par l’idée de voler et de la séduire, une jeune allumeuse, une mère dépassée et frigide, et tout ce beau monde conspire pour tuer la vieille et disposer de l’héritage. Leur cynisme les pousse à s’unir malgré leurs antagonismes (magnifique scène où un essayage devient un pugilat). Qui plus est, à de nombreuses reprises, Saura révèle au détour d’un plan un personnage qui observe sans être vu : pas d’intimité ici, tout se sait, comme au temps de Franco.
L’allégorie est subtile, intelligente, mais elle scléroserait le film s’il s’y réduisait. Or le plaisir qu’on prend à le voir vient aussi, surtout, de cette galerie réjouissante de personnages, de cette charge contre la famille et de l’extraordinaire talent du cinéaste à créer un monde à sa mesure : il alterne moments d’émotions (l’arrivée d’Ana, tel monologue de la grand-mère, ses rejets après sa « résurrection »), de farce (la scène déjà citée de l’essayage), et de comédie, sans que jamais rien ne soit souligné. La maîtrise du cinéaste comme du scénariste éclate à chaque instant de ce film jouissif et profondément pessimiste. Et le dernier plan, ce travelling arrière rapide, emprisonne sans espoir les personnages, confits dans leurs haines et leurs frustrations. Du grand art.
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