Le 20 janvier 2024
Si l’objet clair du film vise à dénoncer la précarité des travailleurs estivaux dans les hôtels grecs, Animal finit par brouiller les messages entre compassion excessive et radicalité du portrait social.
- Réalisateur : Sofia Exarchou
- Acteurs : Dimitra Vlagkopoulou, Flomaria Papadaki, Ahilleas Hariskos, Chronis Barbarian
- Genre : Drame
- Nationalité : Autrichien, Roumain, Grec, Bulgare, Chypriote
- Distributeur : Shellac
- Durée : 1h56mn
- Date de sortie : 17 janvier 2024
- Festival : Festival de Locarno 2023
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Résumé : Sous le soleil brûlant d’une île grecque, les animateurs d’un hôtel all-inclusive menés par la charismatique Kalia se préparent pour la saison. Décors en carton-pâte, costumes pailletés et spectacles de danse envahissent la scène. À mesure que l’été avance, la pression augmente, les nuits s’enchaînent, et les démons de Kalia se réveillent. Lorsque les projecteurs s’allument, the show must go on… mais cela a-t-il toujours un sens pour elle ?
Critique : On se souvient du récent How to Have Sex de Molly Manning Walker qui installait sa fiction dans un hôtel grec avec une flopée de jeunes gens avides de danse, d’alcool et de fêtes. Animal est tout le contraire. Le projet de Sofia Exarchou ne regarde pas directement les touristes. Ce qui l’intéresse, ce sont les animateurs recrutés dès la fin de l’adolescence en Europe de l’Est, logés dans des conditions plus que précaires, et contraints de se soumettre à des jeux de danse équivoques pour le seul bonheur des vacanciers. Kalia est arrivée il y a plus de dix ans sur ce bout de mer qui n’a finalement pas grand-chose à voir avec les paysages de cartes postales dont les agences touristiques raffolent. Elle est maman d’une petite fille silencieuse qui se modélise dans les comportements sexualisés de sa mère. La misère psychologique et sociale de Kalia est à l’inverse opposée de ces foules de touristes qui consomment ces corps faciles, rongés par la fatigue et l’alcool.
- Copyright Shellac Distribution
Animal est un film ambigu. Ambigu car le propos hésite en permanence entre la compassion et le jugement dur, radical, contre la protagoniste. On assiste pendant presque deux heures à la déchéance programmée de cette femme immature, absolument pas attachante, qui tente de gagner sa vie, une estime de soi meilleure, tout en faisant tout pour ne pas y parvenir. Les scènes de chants, de danses inondent l’écran, avec parfois une forme de complaisance cynique qui empêche le spectateur d’accéder à la moindre empathie pour les personnages. Le propos est noir, sans espoir, mais surtout verse dans une représentation clinique de Kalia. Le refus de se soigner, la fatigue, l’alcool, la perte qu’elle s’inflige dans les boites ou les bars de nuit réduisent le personnage à une dégénérescence qui finit par rebuter le spectateur lui-même. Les autres personnages, à commencer par cette jeune fille polonaise, semblent aussi abrutis par leur passé et condamnés à sombrer comme Kalia dans l’enfer de l’addiction.
- Copyright Shellac Distribution
Le naturalisme prend le pas sur tout le récit. Sofia Exarchou choisit une luminosité froide, des couleurs ternes, très loin des représentations ensoleillées de la Grèce. On comprend bien la volonté de la réalisatrice de provoquer le contraste entre le tourisme de masse et la précarité des jeunes gens qui s’adonnent à ces animations douteuses. L’absence totale d’espoir est lisible d’un bout à l’autre de la fiction, condamnant les personnages au néant et à l’aveuglement. On comprend bien que le grillage tiré entre la mer et le lieu de vie des salariés, qui commence et termine le film, est une métaphore de l’emprisonnement de leur existence. On aurait peut-être espéré un peu plus de nuances dans cette profusion de malheurs, de tristesse et de pauvreté.
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