Alice T. - la critique du film

Notre avis : Elle a les cheveux rouges qui inondent ses épaules, elle n’a que seize ans, et déjà l’attitude nonchalante d’une adolescente. Les pieds plantés sur un tabouret dans une salle de jeux, elle attend une enveloppe d’argent, de l’homme, majeur vraisemblablement, qui l’a mise enceinte. S’ensuit alors une séquence absolument stupéfiante entre la jeune-fille écorchée et sa mère, dépassée par un comportement outrancier et sans limite. Alice T. est un film sur une certaine adolescence. Celle de ces jeunes gens vulnérables, abîmés par une enfance différente, en quête à la fois d’émancipation et d’amour. La jeune Alice interprétée par une Andra Guţi absolument sidérante de vérité et de force, ne lâche rien. Elle pousse à bout les adultes, elle cherche les limites, jusqu’à se faire mal à elle-même et surtout à l’enfant qu’elle porte dans son ventre.

©Vlad Cioplea

Alice T. est un film assez exceptionnel, du point de vue de la direction des acteurs. La caméra colle à ses personnages, au plus près du grain de la peau et des regards. C’est une photographie précise qui cherche à saisir l’émotion dans ce qu’elle a de plus brut, de plus intense. La mise en scène ne juge pas. Elle donne à voir l’adolescence dans ce qu’elle peut avoir de plus désarçonnant dans nos sociétés modernes, où abondent les téléphone portables, les réseaux sociaux, face à des adultes souvent perdus, hésitant entre démagogie et excès d’autorité. La mère d’Alice incarne parfaitement cette posture parentale ambiguë, ne sachant se situer face aux attitudes excessives de sa fille.

©Vlad Cioplea

Il y a dans la mise en scène un esprit qui rappelle la filmographie de Pialat. Le quotidien demeure l’objet central de ce récit où les personnages s’engouffrent avec dextérité. On se coupe la parole. On se crie dessus. Le réalisme guide le regard du cinéaste. Il n’y aucune ambition de noircir ou d’embellir le réel. La caméra scrute les gens dans cet univers où, pour une fois dans le cinéma roumain, il n’est pas question de luttes sociales ou politiques. Mais sans doute que ce projet ultra réaliste constitue la faille narrative du film. En effet, le scénario révèle ses clés dès la moitié de l’histoire et le format, près d’une heure quarante cinq, rajoute à une certaine monotonie qui se dégage du rythme du long-métrage.

©Vlad Cioplea

Il est certain que Alice T. ne révolutionnera pas le paysage cinématographique européen. Toutefois, le déplacement en voudra la chandelle, ne serait-ce pour l’interprétation lumineuse de la jeune Andra Guţi dont on attend avec impatience, la participation dans un prochain long-métrage.