Le 2 mars 2014
- Réalisateur : Alain Resnais
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Disparu à l’âge de 91 ans, Alain Resnais restera comme l’un des plus grands artistes de son temps. Il laisse une œuvre fascinante qui a révolutionné le langage du cinéma.
Les films d’Alain Resnais sur aVoir-aLire
Nourri dans son enfance et son adolescence à la littérature d’aventures, à la BD et aux serials, mais aussi au surréalisme, Alain Resnais a été partagé entre un art conceptuel et, plus tard, la tentation d’un cinéma plus ludique, avec une constante pour le thème de la mémoire, qu’il mettait en valeur par des effets de montage alterné et des travellings vertigineux, en tout cas pour ses films couvrant la période 1955-1980. Né en 1922 à Vannes, il entreprend des études à l’IDHEC et réalise dans les années 50 des courts métrages sur des artistes qui tranchent avec les habituels documentaires de musée de l’époque : Van Gogh ou Les statues meurent aussi (coréalisé avec Chris Marker en 1953) anticipent Toute la mémoire du monde (1956), exploration insolite et magistrale de la Bibliothèque nationale. Entre-temps, Alain Resnais réalise Nuit et brouillard (1955), bouleversante évocation des camps de la mort, modèle de montage et de rigueur historique. Son premier long métrage, Hiroshima, mon amour, est présenté au Festival de Cannes en 1959. Le choc esthétique est comparable à celui exercé vingt ans plus tôt par Citizen Kane. Évocation du drame individuel d’une jeune femme (Emmanuelle Riva), articulé avec le thème de l’horreur nucléaire, le film révèle un auteur exigeant. Alain Resnais devient alors, avec Truffaut et Godard, le cinéaste emblématique de la Nouvelle Vague, même si ses méthodes de tournage, son souci de perfection technique et sa conception du scénario le distinguent des « jeunes Turcs » des Cahiers. Hiroshima, mon amour, dont les dialogues ont été écrits par Marguerite Duras, inaugure par ailleurs la collaboration de Resnais avec des écrivains ou scénaristes de renom. C’est le cas de L’année dernière Marienbad (1961), Lion d’or au Festival de Venise, dont le scénario est signé Alain Robbe-Grillet. Cette longue psalmodie magnifiée par les décors stylisés de Bernard Evein et le jeu envoûtant de Delphine Seyrig s’avère une œuvre majeure du cinéma contemporain. Resnais retrouvera Delphine Seyrig en 1963 pour Muriel ou le temps d’un retour, autre sommet du cinéma de l’introspection mentale. S’essayant à un cinéma plus ouvertement politique, tout en restant fidèle à son univers, Alain Resnais collabore ensuite avec Jorge Semprun et Yves Montand pour La guerre est finie (1966), poignant récit d’un militant espagnol en exil à Paris. Le film sera mieux accueilli que Je t’aime, je t’aime (1968), faux voyage temporel mais vraie description de l’imaginaire, qui apparaît rétrospectivement comme l’une de ses plus grandes réussites. Les années 70 sont un peu creuses sur le plan quantitatif. En 1974, Alain Resnais dirige Jean-Paul Belmondo dans Stavisky, évocation fantasmée de la vie du célèbre escroc, qui divise la critique et peine à trouver son public.
Mais en 1977, Providence, tourné en Angleterre, explore avec bonheur les affres de la création et le pouvoir de l’imagination. Le film obtient 7 César dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Trois ans plus tard a lieu le triomphe critique et public de Mon oncle d’Amérique (1980), vulgarisation ludique des travaux de Henri Laborit, et qui obtient le Grand prix spécial du Jury au Festival de Cannes. Si La vie est un roman (1983) et L’amour à mort (1984) sont des échecs commerciaux, ils n’en révèlent pas moins la cohérence de la démarche de Resnais, le premier dans un registre lyrique, le second dans le cadre d’un cinéma intimiste de chambre. Ce sont aussi deux films à partir desquels il collabore avec trois de ses nouveaux acteurs de prédilection : Sabine Azéma, André Dussollier et Pierre Arditi. Il les dirige en 1986 dans Mélo, adaptation élégante d’un mélodrame théâtral de Henry Bernstein, qui précède I want to go home (1989), hommage à la BD. Les années 90 marquent une évolution dans son œuvre, qui adopte un ton plus léger de comédie, malgré un style toujours personnel et des accents de gravité. Sa collaboration avec Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri élargit son public et lui permet d’obtenir à nouveau, et à deux reprises, le César du meilleur film. C’est d’abord le succès du diptyque Smoking/No smoking (1993), adaptation d’une pièce d’Alan Ayckbourn, savoureux récit à fins multiples dans lequel Pierre Arditi et Sabine Azéma interprètent une dizaine de personnages. En 1997, On connaît la chanson, comédie chorale subtile, est le plus gros succès public d’Alain Resnais. Les films qui suivront seront imprégnés du même esprit. Cinéaste octogénaire puis nonagénaire, Alain Resnais livre encore de beaux moments d’inspiration dans Pas sur la bouche, adaptation d’une vieille opérette (2003), Cœurs (2006), comédie métaphysique douce-amère, Les herbes folles (2009), fantaisie décalée, ainsi que Vous n’avez encore rien vu (2012), adaptation d’Anouilh. Son dernier film, Aimer boire et chanter, sortira en salle le 26 mars.
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