Agadamgorodok - La chronique BD

"Pok !"... Dernier son dérisoire qu’émet le corps humain jeté au dessus d’un lac gelé, préalablement roué de coups et les pieds scellés dans une bassine de ciment. Voilà à quoi s’expose toute personne, témoin malgré elle, des dérangements psychologiques de Spéracédès, chef mafieux régnant sur Agadamgorodok. Mais les habitants de cette ville de Sibérie sont-ils véritablement des êtres vivants ? Climat rigoureux, condition sociale misérable et omerta pesante les réduisent à l’état de zombie ; impuissants face aux enlèvements abusifs des leurs, tous se savent condamnés d’avance.

Seule l’imagination, irrépressible, fertilisée par la lecture d’œuvres littéraires, permet de résister aux humiliations, de s’évader ; l’épée de Damoclès n’empêche donc pas de rêver, surtout pas Jules, l’autre personnage central, élevé au milieu d’une bibliothèque considérable.

Des rêves de plage paradisiaque, de fusions charnelles sont ses douces échappées, matérialisées par des tracés légers du pinceau aux tons pastels et contrastant avec l’ensemble du dessin aux couleurs très sombres ; comme si finalement Jules osait à peine ses "transgressions" mentales. Les deux antagonistes se rencontreront forcément. Non que les contraires s’attirent, mais ils seront confrontés à un vague souvenir commun…

Un scénario maîtrisé où les silences ont autant d’importance que les dialogues ; un dessin intelligent qui sait se libérer à propos, des cadres rigides pour retranscrire les rêveries.