Le 9 février 2021
Il a toujours été difficile de retranscrire les affres de l’adolescence au sein d’une œuvre cinématographique, Fabrice Du Welz ne réussit son pari qu’à moitié : ce qu’il gagne en aura, il le perd en tragédie.


- Acteurs : Benoît Poelvoorde, Laurent Lucas, Fantine Harduin, Thomas Gioria
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Memento Distribution, The Jokers, Les Bookmakers
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 30 novembre 2021 20:40
- Chaîne : OCS Choc
- Titre original : Adoration
- Date de sortie : 22 janvier 2020

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Résumé : Paul, un petit garçon de 12 ans vit seul avec sa mère, femme de ménage dans une clinique privée perdue au milieu des bois. Dans cette clinique, le Dr Loisel soigne des gens riches, atteints de graves maladies mentales. Quand il n’aide pas sa mère, Paul court dans les bois pour observer les oiseaux, sa grande passion. Un jour, arrive Gloria une adolescente ...
Critique : Adoration s’annonçait comme une petite curiosité emphatique, telle une halte à la fois poétique et bestiale de deux errants, dont les aspirations demeurent incompatibles au monde dans lesquels ils évoluent. De ces deux errants naissent un amour térébrant, à mi-chemin entre l’incartade adolescente et la névropathie, un amour si viscéral que la fin semble inéluctable. Le long métrage emprunte sa ligne narrative aux codes didactiques du conte de fées, comme a pu le faire le réalisateur anglais Joe Wright, avec son seul (et splendide) film d’action à ce jour, relevant purement du récit mythologique, Hanna. Il y était déjà question d’une Alice perdue dans une variation du Pays des Merveilles et d’une méchante sorcière à la chevelure rougeâtre.
Adoration tire son propos désabusé de sa pellicule, Du Welz préférant à juste titre le grain si texturé de la caméra argentique à la précision du numérique. Il en résulte une image ardemment organique, retranscrivant les affres ravageuses d’un jeune couple condamné à une fuite en avant, conjuguant la perfidie onirique du chef-d’œuvre de Charles Laughton, La Nuit du chasseur, et l’existentialisme magnifié proche de Jeff Nichols, certains plans d’Adoration faisant écho à Mud. Rehaussé par une photographie divine signée Manuel Dacosse, le film doit également sa fureur indomptable à l’interprétation admirable des deux jeunes acteurs principaux, Thomas Gioria et Fantine Harduin, dont la dextérité dramatique ne peut qu’éblouir le spectateur à la recherche de sensations fortes.
Cependant, Adoration, paradoxe du cinéma auteuriste, est handicapé par un symbolisme assez problématique, si l’on considère l’œuvre dans son ensemble. Les pérégrinations du binôme, prenant place au sein d’un environnement pourtant favorable à l’évasion allégorique, deviennent assez rapidement répétitives, coincées dans un enchevêtrement inconsistant, voire velléitaire. Reste une belle évocation de la maladie mentale et la contagion de celle-ci chez l’être aimé. Il a toujours été plus difficile de filmer l’adolescence que l’enfance. Du Welz ne réussit son pari qu’à moitié : ce qu’il gagne en aura, il le perd en tragédie.