Le 2 avril 2020
- Réalisateur : Guillermo de Oliveira
- Acteurs : Clint Eastwood, Ennio Morricone, James Hetfield, Álex de la Iglesia
- Titre original : Desenterrando Sad Hill
- Genre : Document
- Date de sortie : 19 octobre 2018
- Durée : 83 minutes
- Titre original : Desenterrando Sad Hill
- VOD : NETFLIX
- Plus d'informations : Sad Hill Unearthed
Un émouvant et somptueux documentaire, sur un des plus grands westerns de toute l’histoire du cinéma et son ahurissante scène finale.
Résumé : Des fans du film « Le Bon, la brute et le truand » décident de restaurer le fameux cimetière espagnol où a été tournée la scène mythique de ce western en 1966.
Notre avis : D’abord, un immense merci à Netflix d’avoir acquis les droits de ce formidable documentaire ! Voilà, c’est dit.
Avec Le Bon, la Brute et le Truand, sorti en 1966, Sergio Leone, opère une bascule dans sa filmographie. Ce ne sont pas que des histoires qu’il va raconter, mais l’histoire, celle avec un grand H. Ce dernier volet de la trilogie du dollar, crépuscule du western, spaghetti ou pas, retrace en fait la naissance d’une nation, les États-Unis.
Le Bon, la Brute et le Truand est un film de poursuite. Trois « cow-boys », qui ne sont guidés que par l’appât du gain, se pourchassent mutuellement pour retrouver un butin caché dans un cimetière. L’un connaît le nom de la tombe contenant le trésor, l’autre le lieu du cimetière. Ils vont devoir faire équipe jusqu’à la destination finale, poursuivis par un troisième larron d’une cruauté pas banale. Le génie de Leone consiste à bombarder ses trois personnages en pleine guerre de Sécession. Un conflit, filmé de façon magistrale et documentée et qui passe totalement au-dessus de la tête de Tuco, Blondin et Sentenza, nos trois héros. Ils y sont embarqués par hasard, le traversent sans intérêt, ni compassion, et n’ont qu’un seul objectif en tête : se barrer vers ce foutu cimetière. Un cimetière qui va entrer dans l’histoire du cinéma.
Le film est tourné en Espagne, et Franco met à la disposition de la production un millier de soldats pour faire de la figuration et construire les décors, à commencer par un pont que se disputent Sudistes et Nordistes. Il se trouve que nos trois gus doivent traverser la rivière qu’il enjambe, pour arriver au cimetière. La solution s’impose d’elle-même : détruire le pont. Plus de pont, plus de bataille ; plus de bataille, plus de soldats ; plus de soldats, bah, plus de soldats et la voie est libre ! Le jour du tournage, une mauvaise communication entre les artificiers de l’armée et l’équipe technique entraîne son dynamitage, alors que les caméras ne tournent pas. Leone est ivre de rage. Les trouffions de Franco n’ont d’autre solution que de reconstruire l’ouvrage en un temps record, pour le faire exploser au bon moment cette fois. Résultat magique à l’écran : un dynamitage de pont qui entre au panthéon de la démolition sur pellicule à côté de celui du Pont de la rivière Kwaï (1957).
- Copyright Netflix / Sadhill Desenterrado - Zapruder Pictures
Le cimetière, autre décor ahurissant fabriqué de toutes pièces par les soldats espagnols, est le théâtre du final : près de 5 000 tombes disposées en cercles concentriques formant une arène romaine. Sauf qu’il n’y a personne dans les tribunes pour regarder les gladiateurs qui vont s’y affronter. Le silence est seulement rompu par le cri des coyotes, génial gimmick de la bande-son. Leone organise dans cette arène un combat unique : le premier duel à trois de l’histoire du western, un « triello ». Sergio Leone s’amuse pendant plus de six minutes, dans un chef-d’oeuvre de montage crescendo, alternant plans larges et très gros plans des visages burinés de ses trois types sales et transpirants, de leurs mains prêtes à dégainer, dont celle au majeur mutilé de Lee Van Cleef, le tout sur la musique entêtante d’Ennio Morricone, jusqu’aux coups de feu finaux, quasi éjaculatoires. Un moment de bravoure, parmi bien d’autres de ce western magistral.
Sad Hill Unearthed est un documentaire qui revient sur l’étrange destin de ce cimetière, à commencer par son abandon et oubli total depuis la fin du tournage. Presque un demi-siècle plus tard, en 2014, une bande de passionnés retrouve sa trace, dans une vallée située entre Silos et Contreras, à deux heures de Bilbao. Ils créent une association, Asociación Cultural Sad Hill, avec l’idée folle de le déterrer – une vingtaine de centimètres de terre et végétation ont repris leurs droits – et de le restaurer, tels des archéologues, pierre par pierre, tombe par tombe, croix par croix. Guillermo de Oliveira, qui a vent du projet dès le début, décide de faire un court métrage sur cette drôle d’aventure, mais sans trop y croire, tant la tâche semble démesurée et probablement vouée à l’échec. Ils ne sont qu’une poignée à gratter la terre, mais en parlent sur les réseaux sociaux. Contre toute attente, des fans débarquent d’Italie, de France, Angleterre et d’ailleurs, avec pelles et pioches, pour donner un coup de main. Le projet prend alors une toute autre dimension.
- Copyright Netflix / Sadhill Desenterrado - Zapruder Pictures
Guillermo de Oliveira change de braquet et passe en mode documentaire. Un vrai, qui suit cette incroyable restauration, mais livre aussi une analyse originale du travail de Sergio Leone par le prisme de ce Sad Hill : ses tics, ses manies et sa précision, comme le montre l’incroyable anecdote sur un livre, qu’il tient en marquant une page avec ses doigts, comme on le voit sur une photo prise pendant le tournage, et qui dit tout sur sa rigueur. Les dessous de l’affaire du pont sont révélés, tout comme les mouvements de caméra initialement prévus dans le cimetière et finalement abandonnés, et heureusement, on a envie de dire ! C’est une véritable leçon de cinéma qui nous est proposée et nous montre comment le maestro va transformer ce qui n’était qu’une simple page sur le script, en un des quarts d’heure les plus mythiques de toute l’histoire du cinéma. Le « casting » est à la fois touchant, avec ces passionnés déterrant le cimetière, d’anciens bidasses présents sur le tournage, et impressionnant, avec les témoignages éclairés des survivants de ce tournage épique, le chef opérateur de Sergio Leone (qui aurait eu 90 ans, cette année), son monteur, le décorateur à l’origine de ce cimetière, ou Ennio Morricone. Auxquels se joint l’incroyable leader de Metallica, fan absolu du film, dont The Ecstasy of Gold sert régulièrement d’intro à leurs concerts, depuis plus de 35 ans !
Sad Hill Unearthed est tout à la fois exceptionnel sur le plan historique et profondément émouvant, avec un « final » qui vous prend aux tripes. Oui, on ose l’écrire, parce que d’une part à la rédaction on peut vous faire la liste d’au moins dix plans et mouvements de caméra chez Leone qui vous mettent toujours les poils, et d’autre part parce que même dans leurs rêves les plus fous, ces passionnés, en commençant en 2014 à déblayer avec juste une pelle et une brouette ce Sad Hill, n’auraient même pas osé imaginer le destin de leur délirante entreprise.
- Copyright Netflix / Sadhill Desenterrado - Zapruder Pictures
PS : ce documentaire a fait le tour d’un paquet de festivals, a été nommé plusieurs fois et a remporté trois prix.
PPS : le site de l’association est ici.
PPPS : …et sur Google Map, c’est là.
- Copyright Netflix / Sadhill Desenterrado - Zapruder Pictures
Galerie Photos
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