Le monstre derrière la porte
Le 4 novembre 2014
Premier long-métrage de July Jung, A Girl at My Door montre un duo d’actrices fascinant et une belle maîtrise de la mise en scène tout en démontrant la vivacité du jeune cinéma coréen.
- Réalisateur : July Jung
- Acteurs : Doona Bae, Kim Sae-Ron, Song Sae-Byeok
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Épicentre Films
- Durée : 1h59mn
- Titre original : Dohee-ya
- Date de sortie : 5 novembre 2014
- Festival : Festival de Cannes 2014
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Résumé : Young-Nam, jeune commissaire de Séoul, est mutée d’office dans un village de Corée. Elle se retrouve confrontée au monde rural avec ses habitudes, ses préjugés et ses secrets. Elle croise une jeune fille, Dohee, dont le comportement singulier et solitaire l’intrigue. Une nuit, celle-ci se réfugie chez elle…
Critique : Produit par le réalisateur Lee Chang-dong – figure incontournable du cinéma coréen contemporain avec Secret Sunshine et Poetry – A Girl at My Door partait avec des augures favorables qui laissaient présager un nouveau long-métrage de qualité. Et en effet, July Jung signe un premier film et un scénario original marquants, nous transportant dans un univers rural loin d’être bucolique, théâtre d’une réunion pour le moins singulière.
- © Epicentre Films
A Girl at My Door est l’histoire d’une rencontre entre deux personnages féminins, extrêmement bien écrits, dissimulant chacune un secret, une part d’elle-même, contribuant à créer le mystère qui enrobe d’un voile ténu l’action du film jusqu’à son terme. D’un côté Young-nam, une femme d’apparence calme et posée, interprétée par Doona Bae (The Host, Air Doll, Cloud Atlas), commissaire exilée de force qui cache les raisons de son départ de Séoul et son addiction à l’alcool ; de l’autre Dohee, une jeune fille battue par sa famille et souffre-douleur de ses camarades de classe, interprétée par Kim Sae-ron (Une vie toute neuve), un être à l’allure gauche, timide, mais qui recèle en elle une violence et un penchant pour la manipulation des plus alarmants. Dès sa première apparition, presque fantomatique, Dohee se présente comme un personnage instable, insaisissable et fuyant, dont la véritable nature ne saurait être aisément révélée. S’attachant à Young-nam, qui la prend sous son aile, elle devient tour à tour l’ombre de cette dernière, son double, puis semblera enfin représenter une partie de l’âme de Young-nam, telle un corps étranger scellant l’osmose définitive avec son hôte. Personnage représentant une altérité face à ce duo ambigu, le père adoptif violent et alcoolique de Dohee, interprété avec justesse par Song Sae-Byeok (Mother), incarne la solitude et la détresse qui engendrent, presque littéralement, l’amoralité.
- © Epicentre Films
Le film de July Jung effleure habillement différents genres pour adopter un ton qui lui est propre. Le mystère et le suspense caractéristiques du film fantastique et du thriller se mêlent à une fibre plus sociale quand la réalisatrice aborde les thèmes de la violence domestique, de l’homosexualité ou encore de la rencontre entre mœurs de la ville et mœurs de campagne. Dans cette diversité, le scénario parvient à garder toute son unité et sa cohérence grâce aux personnages, carrefours au sein desquels se croisent tous ces éléments.
Le seul bémol résiderait dans le manque de soin apporté à quelques éléments du film, négligence qui tranche avec la qualité indéniable du scénario et de la prestation des acteurs, faisant sortir le spectateur du film comme s’il se réveillait d’un rêve. L’image tout d’abord, s’avère quelque peu décevante dans les scènes de nuit, scènes clés dans le développement de l’intrigue où une mauvaise gestion du bruit gâche une photographie par ailleurs soignée lors des séquences de jour. Autre point noir, le mixage sonore laisse quant à lui parfois trop entendre les bruitages, détournant ainsi l’attention du spectateur. À ces détails s’ajoutent des figurants qui semblent peu au fait de l’action en cours et détournent là encore l’attention du spectateur attentif.
Malgré ces petites faiblesses, A Girl at My Door s’avère être un premier long-métrage de haute volée grâce à un scénario riche, des acteurs talentueux interprétant avec finesse des rôles complexes et une mise en scène habile qui laisse planer le doute sur les personnages et leurs motivations. July Jung est assurément une réalisatrice à suivre de très près.
– Sélection Un Certain Regard, Festival de Cannes 2014
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