Le 28 septembre 2018
Un superbe western ramassé dans lequel un cinéaste, un acteur et un scénariste trouvent l’osmose parfaite.
- Réalisateur : Budd Boetticher
- Acteurs : Lee Marvin, Gail Russell, Randolph Scott, Walter Reed
- Genre : Western
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h18mn
- Titre original : Seven Men from Now
- Date de sortie : 12 juillet 1957
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– Année de production : 1956
Résumé : Un ancien shérif est bien décidé à venger la mort de sa femme en retrouvant les sept bandits responsables de la fusillade au cours de laquelle elle a été tuée...
Notre avis : Sept hommes à abattre est le premier film de Boetticher avec Randolph Scott (ils en feront sept qui reprendront peu ou prou le même schéma de base) et c’est le premier scénario de Burt Kennedy. Œuvre fondatrice donc, saluée par André Bazin à sa sortie. Mais à le revoir aujourd’hui, on se dit surtout que c’est une merveille de concision et d’intelligence filmique, un modèle de série B efficace que le manque de moyens patent ne handicape jamais. Dès le début, un coin de désert sous l’orage, l’entrée dans le champ d’un homme de dos, puis son irruption dans une grotte où deux hommes boivent du café et la fusillade qui s’ensuit, on voit l’efficacité en action : Stride le ténébreux titille ses deux adversaires et, sans qu’on sache encore pourquoi, le dialogue lourd de sous-entendus amène à un règlement de comptes qui ne sera pas montré ; seules les conséquences du meurtre apparaissent à l’écran : les chevaux tressaillent, puis, le lendemain, ils sont conduits par Stride.
Quelques plans ont suffit pour installer un personnage et des motifs qui reviendront sous différentes formes : le café, le cheval du héros mangé par des Indiens affamés, la quête encore opaque, l’orage. Au fond ce film minimal ne joue que sur très peu d’éléments. Les rares figurants n’empêchent pas que cinq protagonistes, tous liés même sans le savoir au meurtre de la femme de Stride, suffisent à l’intrigue, d’ailleurs mince et développée en une durée ramassée (1h15mn). En un sens, Sept hommes à abattre est un squelette de western, la vengeance du héros ne s’encombrant ni d’une psychologie délayée ni de péripéties et de personnages secondaires. Reste donc l’essentiel, le prototype du genre débarrassé de ses oripeaux.
- Copyright Warner Bros. Tous droits réservés.
Stride veut se venger, comme on l’apprendra peu à peu, des sept hommes qui ont tué sa femme. Il croise un couple dont le chariot est embourbé et les aide (en vrai héros, il sait quoi faire quelle que soit la situation, ce sera là encore un motif récurent). Le spectateur pas plus que Stride ne sait encore quel rôle vont jouer le chariot et le couple. Si la femme, Annie, tombe vite sous le charme du bel inconnu, c’est peut-être aussi parce que son mari bavard est présenté comme un personnage falot et couard. Affirmer son courage sera d’ailleurs l’un des fils conducteurs implicites du film, chacun des cinq identifiés ayant sa propre quête parfaitement menée. Celle de Stride est claire (se venger), celle du méchant Masters (impeccable Lee Marvin) également, puisqu’il veut confisquer l’argent volé. Mais on entre là dans des eaux plus troubles : Masters veut aussi se venger de Stride, qu’il ne cesse de protéger en un jeu complexe de fascination et de moquerie. Car la particularité du film, qui ouvre la voie à Clint Eastwood, c’est que si le héros mutique maîtrise le savoir, Masters étant le roi de la parole, dont il se sert pour raconter, humilier, provoquer. Personnage complexe et fascinant, il utilise l’ironie dont Boetticher va l’accabler : alors que Masters ne cesse de s’entraîner à dégainer rapidement, il mourra dans un duel sans avoir eu le temps de le faire.
De la même manière, la représentation de la violence est très ambiguë : parfois en ellipse, parfois en brutale indignité (tirer dans le dos), elle est toujours sèche et sans grandeur et jamais satisfaisante pour le spectateur qui attend un assouvissement fondé sur le suspens. Et Stride ne tire pas à l’écran, comme s’il était une abstraction vengeresse, un pur modèle théorique.
On n’en finirait pas de montrer la finesse d’un scénario rectiligne qui dissimule des abîmes sous une apparente simplicité. Et de ce scénario, Boetticher tire le meilleur, organisant une scénographie et par moments presque une chorégraphie particulièrement soignée : voir par exemple la manière dont il dispose les personnages dans le chariot une nuit d’orage, amplifiant les tensions et clarifiant les jeux de puissance. De même se sert-il des décors naturels (les rochers) ou pas (le chariot) pour multiplier les sur-cadrages qui emprisonnent les personnages ou révèlent un arrière-plan signifiant. Bref, comme le soulignent Bertrand Tavernier ou Martin Scorsese, Bud Boetticher est un cinéaste constamment passionnant, et l’intelligence discrète de sa mise en scène éclate à chaque séquence, rendant Sept hommes à abattre indispensable à tout amateur de western, à tout amateur de cinéma.
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