Le 21 février 2016
Un western superbe, mâtiné de mélodrame et de tragédie, magnifié par une mise en scène sèche et rigoureuse.
- Réalisateur : Budd Boetticher
- Acteurs : Nancy Gates, Randolph Scott, Claude Atkins
- Genre : Western
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h14mn
- Date de sortie : 11 décembre 1968
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– Sortie Blu-ray : le 29 février 2016
– Année de production : 1959
Un western superbe, mâtiné de mélodrame et de tragédie, magnifié par une mise en scène sèche et rigoureuse.
L’argument : Les investigations de Jeff Cody, qui recherche sa femme capturée quelques années plus tôt par les Comanches, le mènent sur le territoire d’Indiens hostiles qui vendraient une captive blanche, Mrs Lowe. Bien que n’étant pas celle qu’il recherche, il décide de l’escorter jusqu’à son mari. Celui-ci avait offert une récompense de 5.000 dollars a qui la retrouverait, morte ou vive, ce qu’ignorait Cody. Trois chasseurs de prime se joignent au groupe avec l’intention d’abattre Cody et Mrs Lowe afin de ramener le corps de celle-ci a son mari.
Notre avis : A l’instar de Martin Scorsese qui le classe dans les « conteurs », de Patrick Brion, de Bertrand Tavernier ou de Clint Eastwood, on tient Budd Boetticher pour lun des grands du cinéma classique. Et les westerns qu’il tourna avec Randolph Scott, dont Comanche Station est le dernier, pour l’un des miracles hollywoodiens, alchimie rare d’un style et d’un interprète. Au jeu tout en retrait de l’un s’accorde la sécheresse nerveuse de l’autre. Un miracle.
Le film débute par une scène quasi muette d’échange : Cody donne aux Indiens des couvertures et un fusil et libère une femme, Nancy Lowe, qui va devenir l’enjeu narratif majeur, objet de désir et de tensions. Dans cette séquence éclate la maîtrise de Boetticher, qui n’est jamais meilleur que dans l’épure : quelques plans, des axes qui privilégient la menace (thème majeur du film), et le héros taciturne ; tout est dit, avec une économie de moyens remarquable. À partir de là, l’impeccable scénario de Burt Kenndy repose sur une série de tensions qui rendent cohérents et puissants les liens entre les cinq personnages (trois bandits les accompagnent) : mais cette tension évolue au fur et à mesure que la vérité se fait jour ; les informations distillées tout au long du film, et la dernière n’est pas la moindre, donnent une forte densité à des caractères riches. C’est que chacun a sa quête, et l’attention que leur porte Boetticher se teinte d’infinies nuances : Cody est à la fois appâté par le gain et mû par la recherche de sa femme, mais la rencontre avec Nancy Lowe le transforme. De même le jeune Dobie, paumé et sans repères, hésite entre les voies qui lui sont offertes ; son amitié peut-être ambiguë pour Franck vaut au film une déchirante séquence à la mort de ce dernier. Mais Boetticher ne fait pas dans le lacrymal : un plan fixe avec les personnages de dos et le corps dans la rivière suffit ; l’étreinte des deux amis est courte, sèche, à l’image des scènes de violence qui éclatent brutalement mais se concluent très vite.
Le cinéaste utilise magnifiquement les possibilités du cinémascope, privilégiant les plans larges et disposant les acteurs selon une scénographie savante qui dit l’état des relations. Mais c’est l’ensemble qu’il faudrait citer tant chaque moment est pensé en termes d’efficacité : voir entre mille exemple ce travelling latéral qui dévoile l’arrivée d’un homme blessé et crée un plan quais géométrique fondé sur une convergence de lignes de fuite. Magistrale aussi cette attention portée aux détails : Dobie qui lit une affiche, Lane qui se brûle les doigts à la cafetière. Avec ces effets de réel Boetticher confère une densité neuve à des personnages singuliers.
Difficile en voyant le film de ne pas penser à La Prisonnière du désert ; Comanche Station raconte, lui, le chemin du retour, mais le héros reste tourmenté et énigmatique et la fin, qui le voit disparaître derrière les rochers, a la puissance émotionnelle du fameux dernier plan de Ford. Là encore, c’est de la litote que naît l’émotion : les regards que s’échangent le héros et la femme signifient assez l’impossibilité de leur avenir commun.
Il faudrait encore détailler beaucoup, mais on n’épuiserait pas la richesse de ce film ramassé (une heure et quart seulement) qui tient du mélodrame autant que de la tragédie. Kennedy, sans avoir l’air d’y toucher (et c’est ce qu’on adore dans le cinéma classique), propose rien moins qu’une méditation sur le sens de la vie (voir la dernière réplique de Lane au moment où il est abattu) et sur les choix qui nous sont offerts. Les splendides décors rocailleux servent d’écrin à cette réflexion morale subtile dont Boetticher fait une leçon de mise en scène.
Les suppléments :
Outre les bandes-annonces, le Blu-ray propose trois entretiens passionnants : Bertrand Tavernier revient avec une érudition attendrie sur la carrière du cinéaste (23 minutes) avant d’analyser le film en finesse (18minutes). Patrick Brion fait une courte (6 minutes) intervention, citant abondamment Boetticher lui-même.
L’image :
Pour ceux qui ont vu il y a longtemps Comanche Station, c’est une résurrection : les couleurs sont pimpantes, la définition excellente. Pour un film de 1959, le travail de restauration est remarquable et, vu la qualité du film, justifie largement l’achat du Blu-ray.
Le son :
Là encore, les deux pistes DTS-HD Master audio allient la limpidité des dialogues à la précision des bruitages (le vent au relais, l’herbe foulée pendant les cavalcades) et de la musique (plus aucune saturation no stridence).
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