"Terrorise-moi ça !"
Le 7 février 2018
Ça ressemble à une pub pour de la Budweiser mais c’est bien plus profond que ça : Clint Eastwood a mis au point une véritable apologie de la crétinerie.
- Réalisateur : Clint Eastwood
- Acteurs : Anthony Sadler, Alek Skarlatos, Spencer Stone
- Genre : Biopic
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 1h34mn
- Titre original : The 15:17 to Paris
- Date de sortie : 7 février 2018
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Résumé : Dans la soirée du 21 août 2015, le monde, sidéré, apprend qu’un attentat a été déjoué à bord du Thalys 9364 à destination de Paris. Une attaque évitée de justesse grâce à trois Américains qui voyageaient en Europe. Le film s’attache à leur parcours et revient sur la série d’événements improbables qui les ont amenés à se retrouver à bord de ce train. Tout au long de cette terrible épreuve, leur amitié est restée inébranlable. Une amitié d’une force inouïe qui leur a permis de sauver la vie des 500 passagers…
Critique : On l’avait compris depuis quelques années déjà, et Sully, il y a 15 mois, n’avait fait que nous le confirmer : Clint Eastwood s’est persuadé d’être chargé de la sainte mission de louer la bravoure des héros américains. Ces hommes courageux, beaux, virils, et évidemment bons chrétiens, qui incarnent la primauté des Etats-Unis sur le reste du monde, sont devenus davantage qu’un leitmotiv mais un véritable fil conducteur. Après les avoir sacralisés dans un genre aussi propice au patriotisme que le film de guerre, avec American Sniper, et reconstitué des exploits surhumains ayant eu lieu sur le sol américain, la nouvelle étape est évidemment de s’attacher à un de ces faits d’armes qui a eu lieu à l’étranger, afin de rappeler que cette supériorité naturelle rend légitime l’interventionnisme dans des pays incapables de se défendre eux-mêmes. Et puisque le patriotisme américain de ces dernières années se retrouve dans la haine commune pour les terroristes islamistes, tous les ingrédients sont réunis : le nouveau film de Clint Eastwood est consacré aux valeureux Américains qui ont intercepté ces vilains djihadistes ayant ouvert le feu dans un train Amsterdam-Paris en 2015.
- Copyright 2016 Warner Bros. Ent.
Alors que le choix du sujet n’a strictement rien de surprenant de la part d’Eastwood, le dispositif qu’il a choisi est davantage déroutant. Plutôt que de diriger des acteurs pour incarner les trois braves héros, il a fait appel aux trois héros eux-mêmes. L’intérêt ? Rendre pardonnable le mauvais jeu de ces amateurs ou prouver qu’en plus d’être forts et sans peur, ils sont des acteurs de talent ? Au vu du peu d’émotions qu’il leur est demandé de transmettre à l’écran, la raison semble être que l’obsession de Clint Eastwood tourne désormais au véritable fétichisme.
On se souvient de ce qu’avait fait Curtis Hanson en faisant revivre à Eminem ses douloureux souvenirs de jeunesse dans 8 Miles. Ou de l’impressionnante reconstitution d’un attentat avorté filmé par Paul Greengrass dans Vol 91. On oubliera en revanche bien vite le travail de Clint Eastwood sur son Le 15h17 pour Paris, à mille lieues de ces deux longs métrages dont il reprend pourtant les mécanismes. Son scénario se construit sur le parcours de Spencer Stone, depuis l’école, jusqu’à ce qu’il retrouve ses deux amis d’alors, à l’occasion d’un voyage en Europe. Ce choix de point de vue, centré sur un seul d’entre eux, empêche de rendre tangible leur amitié, d’autant que le personnage en question est loin d’apparaître comme le plus dégourdi des trois.
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Le film débute donc sur des gamins aussi crétins qu’insupportables -autant dire qu’il est difficile de s’attacher à eux-, avant de retrouver Spencer dans son entraînement militaire, afin de bien appuyer son patriotisme, et enfin dans son circuit de bon touriste yankee. Entre images de cartes postales éculées de l’Italie et de l’Allemagne, un plaidoyer pour la consommation d’alcool et une publicité pour perche à selfies, la partie consacrée aux vacances de ces trois californiens bas de plafond est terriblement réductrice quant à l’idée que nos amis d’Outre-Atlantique peuvent se faire du Vieux Continent.
Et le fameux climax tant attendu, soit l’acte d’héroïsme des trois touristes, il est expédié en quelques minutes. Le réalisateur ne prend absolument pas le temps de créer une once de tension, mais s’attache davantage à déshumaniser le vilain islamiste, jusqu’à rendre l’affrontement final purement grotesque. Le tout étant de plus filmé avec un patent manque d’inspiration, alors que Clint Eastwood nous avait tout de même habitué à un certain classicisme bien digéré, le résultat semble incapable de s’élever au-delà de la bêtise de ses personnages principaux. Et, cerise sur le gâteau pour le public français : un de nos héros nationaux, qui nous manque à tous, nous attend pour assurer une conclusion bien pompeuse !
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