Down in the valley
Le 21 janvier 2015
Film d’anticipation, fable écologique, réflexion sur la mort et la renaissance, Young Ones nous saisit et nous éreinte.
- Réalisateur : Jake Paltrow
- Acteurs : Michael Shannon, Elle Fanning, Kodi Smit-McPhee, Nicholas Hoult, Aimee Mullins
- Genre : Science-fiction, Western
- Nationalité : Américain, Sud-africain
- Editeur vidéo : Potemkine
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 6 août 2014
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Sortie DVD & Blu-ray : le 6 janvier 2015
Quelque part entre Mad Max et Down in the Valley et évoquant les grandes fresques à la Elia Kazan, Young Ones nage en eaux troubles dans le sillon de The Rover sans toutefois sombrer dans les affres d’une brutalité excessive. Un film d’anticipation doté d’un scénario très bien ficelé malgré une construction un brin trop classique qui doit beaucoup à la qualité de ses jeunes interprètes, Kodi Smit-McPhee en tête.
L’argument : Dans un futur proche, l’eau est devenue rare, suscitant convoitise et violence. Dans ce climat hostile, Ernest Holm veille sur sa ferme, son fils Jerome et sa fille Mary, et nourrit l’espoir de rendre ses terres à nouveau fertiles. Tout comme Flem Lever, qui fréquente Mary en secret et n’a qu’une idée en tête : s’emparer des terres d’Ernest quel qu’en soit le prix.
Notre avis : C’est sur un massacre au beau milieu d’un no man’s land aride que débute Young Ones, d’emblée placé sous le signe de la violence et du non droit. Dans ce monde en miettes qui tente tant bien que mal de se reconstruire sur un semblant de civilisation en attendant que mère nature, mise à mal depuis trop longtemps, décide de prodiguer de nouveau ses bienfaits, Ernest, le père, vit sur la terre qui l’a vu grandir, terre manifestement transmise de génération en génération. Le réalisateur Jake Paltrow, le frère de Gwyneth, livre un film placé sous le double patronage du western et de la SF et perpétue une longue tradition hollywoodienne de l’enracinement atavique, d’Autant en emporte le vent à Géant en passant par La rivière sans retour, jusqu’à l’évocation détournée des droïdes des oncles et tantes fermiers de Luke dans Star Wars. Il y a dans le western même l’idée de répondre à l’agresseur et d’appliquer la loi du talion, la seule capable de protéger la terre et la famille dans un monde sans foi ni loi dominé par les hommes. Mais Paltrow va plus loin et fait de son film une véritable analyse des tréfonds de l’âme humaine qui, poussée à ses extrêmes limites laisse resurgir son animalité. Jalousie, convoitise, vengeance, les nobles sentiments sont écartés petit à petit pour laisser place à une noirceur qui ne cesse de contaminer les protagonistes et dont il est difficile de se défaire, d’où le sentiment de malaise qui tenaille le spectateur. Comme la machine, qui remplace bientôt l’âne qui se brise la patte et que l’on doit abattre, l’homme enfouit de plus en plus profond ses sentiments et devient un être mécanique incapable du moindre affect. Mais contrairement à The Rover, Young Ones n’est pas empreint d’un nihilisme total et laisse ouvertes quelques portes de sorties.
Tout l’intérêt du film réside d’ailleurs dans cette tension entre bien et mal sous-tendue par la notion de choix. Si Young Ones se donne des fausses allures de tragédie grecque où la violence liée à la faute (qui reste très floue) semble passer de génération en génération, Paltrow interroge sur la possibilité de se construire autrement et de rompre le cycle infernal pour assurer le renouveau de la terre et des hommes. Découpé en trois parties, le film suit les destins liés du père, de l’allégorie du fils rejeté qui ne cesse de faire les mauvais choix pour devenir quelqu’un et du vrai fils, celui qui a la possibilité de tout réparer. Un père alcoolique au passé trouble, un gamin manifestement battu qui veut prendre la place du père en accaparant la fille, une femme infirme qui ne peut se déplacer que grâce à la greffe d’un exosquelette médicalisé, une fille obligée de devenir malgré elle la maîtresse de maison en confrontation permanente avec l’image paternelle, les personnages dépeints dans le film, enfermés dans un schéma un peu trop stéréotypé, sont tous complètement esseulés et cherchent à s’en sortir par tous les moyens. Paltrow cultive un goût certain pour le mystère et les ellipses, tant et si bien que certaines pistes restent inexploitées alors qu’elles auraient pu faire sens, comme le rapport à la mère et à son accident, que l’on pensait être la clef de voûte du film et qui ne souffre finalement d’aucune explication satisfaisante.
Le réalisateur émet une idée très intéressante : dans ce monde, reflet détourné d’une société individualiste où priment les intérêts des uns sur ceux des autres, celui qui n’agit pas ne peut survivre. Le jeune fils fera cet apprentissage brutal et douloureux de la vie, renonçant à toutes les choses qu’il aurait dû normalement vivre (comme le premier amour), et devient acteur de son destin, au prix de devenir étranger à lui-même. En d’autres termes, c’est comme si le mouvement, représentatif de la conviction de se battre pour obtenir quelque chose, était à la source de tous les possibles, dans la droite ligne du mythe du self-made man américain.
Tourné en Afrique du Sud dans des paysages désertiques où nulle âme ne semble vivre et doté d’un rythme lancinant qui permet aux explosions de violence froide d’acquérir une dimension saisissante et quasi métaphorique, le film semble se construire au fil des réflexions de son auteur et joue sur son atmosphère étouffante et anxiogène pour éveiller les consciences. Sans volonté moralisatrice excessive, Young Ones met au cœur de son propos les questions de la nécessaire transmission et de l’échec de la parole. A l’état de fait premier : « je n’ai jamais vu cette terre quand elle était verte » -comme un message adressé aux générations passées et futures- s’ajoute la difficulté du père à communiquer avec ses enfants et à être un bon père de famille (c’est un ancien alcoolique qui cherche une rédemption). Mais il reste un symbole d’espoir et donc, dans une certaine mesure, un exemple à suivre. En nous mettant en garde contre le plus grand des périls, celui de devoir rationner l’eau, Paltrow multiplie les références à Mad Max (Nicolas Hoult sur sa moto rappelle étrangement le look de Mel Gibson) ou encore Soleil vert, célèbres dystopies elles aussi, qui permettent de légitimer le film en le resituant dans une longue tradition. Malheureusement, il se contente de nous laisser entrevoir les dérèglements encourus. On aurait aimé qu’il se lâche un peu plus, quitte à casser un peu le réalisme pour donner au métrage ce grain de folie qui a tendance à manquer. Dommage.
Le Blu-ray
Une édition vidéo à l’image du film... sobre !
Les suppléments :
Comparaison storyboard et scènes filmées sur 4mn, et un trailer, rien d’autre pour donner du sens à ce western familial un peu lent et atypique.
L’image :
Elle baigne dans la lumière ; le contraste est somptueux.
Le son :
Deux pistes sont proposées en DTS HD Master audio, toutes deux calibrées, avec une musique spacieuse et des éclats d’effets stéréo. Les arrières sont aussi sollicités sans dynamique balourde qui serait contraire au caractère intimiste du film.
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