Woody Allen : a documentary - la critique

Robert Weide réalise avec Woody Allen Documentary, un film fleuve, un peu long parfois, sur l’incroyable carrière d’un cinéaste tournant inlassablement après le temps. A découvrir.

L’argument : Un regard intime sur la vie, la carrière et le processus créatif de l’auteur-réalisateur le plus prolifique des États Unis, de sa plus tendre enfance à Brooklyn jusqu’à la sortie de son dernier film à succès Minuit à Paris.

Notre avis : Film d’ouverture de la sélection Cannes Classiques, Woody Allen documentary revient sur les soixante-seize ans de vie, dont soixante-neuf de carrière, du plus européen des cinéastes américains. Un film hommage, sérieux et très travaillé, qui traque le moindre détail et ne laisse rien au hasard. Une rigueur payante sur le plan historique, les morceaux de vie (enfance, carrière, vie personnelle) et le choix de films emblématiques (Bananas, Annie Hall, Manhattan, Maris et femmes, Coups de feu sur Broadway,...) étant équilibré, judicieux et le plus souvent pertinent. Sur le plan formel en revanche, le manque d’esthétisme et d’originalité scénique (les arrière-fonds laissent souvent à désirer) déçoit et plus grave, lasse le spectateur. Le contraste est d’autant plus flagrant que le réalisateur a fait le choix d’un montage alterné entre prises de vues extérieures, entretiens actuels, et archives d’époque (films, stand-up, et interviews passées de Woody Allen). A la beauté des noirs et blancs de Manhattan succède maladroitement les gros plans saturés de Martin Scorsese et Diane Keaton, déconcertant. Le mélange des genres, loin d’être homogène, relève plutôt de l’amalgame. A la décharge de Robert Weide, le pari était risqué au vu de la richesse existentielle d’un cinéaste prolifique et terriblement complexe. Aussi faut-il saluer la tentative, qui, sur le plan substantiel, n’est pas si mauvaise. Premier bon point : la collaboration de M. Allen. Pour la première fois et en exclusivité totale, le discret New Yorkais nous ouvre les portes de son esprit.

Souvenirs de jeunesse, rapport aux actrices et aux femmes (l’un n’allant pas sans l’autre chez le cinéaste !), secrets de tournage et méthode de travail, Weide passe véritablement Woody au microscope. Un acharnement qui laisse son cobaye songeur : ’’Vous êtes le bienvenu mais mes tournages sont ennuyeux. Je ne parle pas beaucoup avec les acteurs. Il y a énormément de pauses. Je ne fais rien d’exhaltant.’’ ou encore ’’mais qui s’intéresse à l’endroit où j’ai grandi, où je suis allé à l’école, et où j’ai joué au baseball ?’’. Mais si Woody, ça nous intéresse ! Plongé au coeur de son quotidien, on se délecte de découvrir son inimitable méthode de travail, désordonnée et atypique à souhait. Tapée sur une machine à écrire d’un autre âge, les idées se découpent, se collent ou se rangent dans un tiroir en attendant des jours meilleurs.

Face caméra, Woody joue franc jeu. De son horreur de monter sur scène (les stand-up de ses débuts) à son amour de Stardust Memories (considéré par la critique comme un échec cuisant) en passant par sa douloureuse rupture avec Mia Farrow, tous les sujets sont abordés. A ses confessions s’ajoutent celles de ses proches, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui. Dans le lot on retrouve bien sûr les incontournables (Diane Keaton, Tony Roberts, Mariel Hemingway, Scarlett Johansson) et quelques surprises (Sean Penn, Naomi Watts, Mira Sorvino). Un savoureux panel d’invités pour une oeuvre documentée, offrant un bel aperçu de la carrière d’un cinéaste que l’on retrouvera sur les écrans le quatre juillet prochain avec de nouvelles péripéties, ancrées à Rome, To Rome with Love.

La filmographie de Woody Allen : ICI