Winter vacation : pérégrinations et déambulations en campagne chinoise
Le 24 février 2011
Une peinture d’une certaine société chinoise qui éveille les sens par sa radicalité artistique.

- Réalisateur : Li Hongqi
- Acteurs : Junjie Bai, Naqi Zhang
- Genre : Drame
- Nationalité : Chinois
- Date de sortie : 23 février 2011

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– Durée : 1h31mn
– Titre original : Han Jia
Une peinture d’une certaine société chinoise qui éveille les sens par sa radicalité artistique.
L’argument : Dans un petit village abandonné du nord de la chine, trois générations endurent de plein fouet,
les méfaits de la « modernité ». Face au partage économique de la mondialisation, la communauté semble n’avoir écopé que des miettes du gâteau. Chômage, pauvreté et surtout désœuvrement rythment la vie des personnages, les plus vieux comme les plus jeunes.
Un grand-père prostré devant la télévision, des lycéens zonant entre les usines désaffectées,
un garçon fugueur désireux de devenir orphelin, et toujours l’insoutenable silence.
Une histoire de désillusion de 7 à 77 ans, dans ce petit coin du monde sans horizons,
mais pas sans humour.
Notre avis : Revenu de Locarno un léopard d’or sous le bras, Winter vacation détonne et étonne dans le cinéma asiatique contemporain. A mi-chemin entre l’esthétique contemplative et le réalisme social, le troisième long-métrage de Li Hongqi (après So much rice en 2005 et Routine holiday en 2008) reste inclassable. Ironique dans ses situations, stylisé dans son image, tranchant dans ses répliques et pourtant dramatique dans son propos, le film, loin de la comédie, prend des airs de théâtre de l’absurde. Dans la longueur et la fixité d’un cadre qui enchaine les plans séquences, la jeunesse chinoise philosophe non sans aigreur sur le travail, les femmes, et l’avenir du communisme capitaliste national. Une esthétique de l’immobilisme, de l’image comme personnage
(les conversations semblent se ritualiser en cercle, tête baissées, et mains dans les poches) forçant le spectateur à endurer la temporalité bouchée de l’arrière pays. L’expérience faite dans la violence de la durée apparaît peut être un peu trop didactique et aurait parfois gagné à se raccourcir. Mais c’est aussi là la force du cinéaste Li Hongqi, celle de nous jeter en plein visage la dureté d’un monde ou le désespoir déshumanise le simple quotidien.
Winter vacation, c’est la banalité de la brutalité.
Dans cette jungle enneigée, tout est rapport de force, provocation, question de domination. Si peu de coups sont réellement portés à l’écran, la crudité des quelques discours et la froideur des rares paroles brisent à coups de hache la mutité environnante. Demande en mariage condescendante (« de toute façon tu es dernière en tout et tu n’es pas très jolie »), éducation à la trique (« reviens à table ou ton oncle va s’occuper de toi »), et camaraderie sur la défensive,
la tension envahit l’espace et comble le vide d’une action, qui, comme l’économie, est en crise.
Un mode de l’agression qui frappe d’autant plus qu’il se superpose à une beauté plastique presque parfaite.
Peintre avant d’être cinéaste, Li Honqgi, fervent défenseur de la « puissance performative de l’image » s’attarde plus sur la géométrie de l’espace que sur les grandes lignes du scénario.
Décor cisaillé dans l’acier, lumière blanche glaçante, scénographie proche de la composition,
Winter vacation possède cette qualité rare : savoir peindre le vide : une absence de sens qui frise parfois le surréalisme, les acteurs s’arrêtant plusieurs minutes sans raison, dans la rue comme dans les conversations ; un monde un peu fou aussi, ou même les agresseurs ont perdu toute motivation, giflant avec apathie des victimes qui n’ont plus à cœur de se défendre ; une comédie pas si drôle où l’on rit jaune à défaut de sourire.
Déroutant et subversif, Winter vacation ternit sans précaution l’éclat de la réussite chinoise.
La bande-annonce : ICI