Le 17 mai 2024
When the light Breaks entreprend une déambulation assez innovante dans le processus du deuil à l’aune d’un accident brutal et d’une relation cachée. L’émotion est évidente, malgré un léger soupçon de complaisance.
- Réalisateur : Rúnar Rúnarsson
- Acteurs : Baldur Einarsson, Elín Hall, Katla Njálsdóttir, Ágúst Örn B. Wigum
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Français, Islandais, Croate
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h22mn
- Date de sortie : 19 février 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, Un Certain Regard, ouverture
Résumé : Le jour se lève sur une longue journée d’été en Islande. D’un coucher de soleil à l’autre, Unan, une jeune étudiante en art, rencontre l’amour, l’amitié, le chagrin et la beauté.
Critique : Quoi de plus difficile que de faire son deuil et provoquer l’émoi de ses amis lorsqu’on perd son compagnon dont la relation était cachée de tous ? C’est tout l’enjeu d’Una qui voit son amant mourir dans un terrible accident qui se produit dans un tunnel. Pourtant, ils avaient promis qu’ils rendraient visible leur relation amoureuse dès le lendemain et que lui se séparerait de sa copine qu’il n’aime plus. Mais parfois, il faut savoir accélérer le temps, à défaut de quoi le destin peut s’acharner contre soi. When the Light Breaks est donc un film sur l’impossibilité de faire son deuil, d’abord quand il s’agit d’une mort brutale, terrible, et ensuite quand la nature de ses sentiments à l’égard de la personne disparue était inconnue de tous. Si le film s’ouvre et se referme sur un magnifique coucher de soleil qui surplombe la baie de Reykjavik, tout le reste de l’histoire qui se joue sur quelques heures se situe dans un gouffre de noirceur.
- Copyright Sophia Olsson
When the Light Breaks n’est évidemment pas le premier film à parler du drame de la mort accidentelle d’un proche. L’originalité ici vient du fait que l’héroïne endeuillée ne peut pas vivre pleinement sa souffrance car elle n’était pas censée être la compagne du mort au moment du décès. Il s’installe alors un jeu troublant entre les protagonistes, tous amis proches de son amant, où le non-dit prend la place des sanglots. Rúnar Rúnarsson entreprend son quatrième long-métrage sur un sujet assez complexe où il ne s’agit absolument pas de verser dans le mélodrame absolu. La détresse des étudiants est contenue, a fortiori celle d’Una qui est socialement empêchée de craquer. La maladresse des mots prend le pas sur l’empathie, comme cette scène très touchante où le père de la jeune fille, juste après avoir appris la disparition de son ami, lui demande si elle consomme des cigarettes. D’autres scènes, déconnectées du drame, s’installent dans le film, semant un trouble certain dans l’appréhension de la situation.
Les films islandais sont suffisamment rares sur les écrans français pour ne pas saluer la performance dans la manière dont Rúnar Rúnarsson filme Reykjavik. La bande-son accompagne avec beaucoup de force les déambulations urbaines, alternant chorale et musique électronique. On ne manque pas non plus d’apercevoir le luxe qui règne dans cet État européen, qu’il s’agisse de l’université, des passerelles, lesquelles tranchent avec les paysages administratifs français essoufflés par des années de pénurie en matière de dépenses publiques. Même les étudiants paraissent très anachroniques dans la manière dont ils se comportent ou avec les espaces qu’ils fréquentent, à commencer par ce jeune un peu pataud qui traite de bourgeois un automobiliste qui a manqué de le renverser. L’alcool coule à flot, à la fois réconfort, loisir quotidien et stimulant intellectuel. Une scène absolument surréaliste montre les jeunes gens danser, s’alcooliser et visionner des photographies de leur amitié dans une résidence superbe, totalement neuve, comme un pied de nez à la situation de l’Europe qui perd sa jeunesse dans une misère endémique.
- Copyright Sophia Olsson
Bien sûr, Rúnar Rúnarsson s’extrait du pathos social pour visiter les différentes palettes du deuil. Les garçons d’ailleurs sont assez pleurnichards, et la compagne officielle du garçon décédé n’apparaît que très tardivement. Il se noue d’ailleurs une relation pétrie d’ambiguïté entre cette dernière et Una, comme si, en réalité, les non-dits avaient gagné sur la réalité de leur situation de couple. L’homosexualité s’invite à petite touche dans ce récit très contemporain, mais sans doute un poil complaisant. En effet, si l’ensemble est de très grande tenue, le spectateur a du mal à s’identifier vraiment à ces jeunes d’un autre monde, perchés dans des études d’art sans importance. On ne peut douter des intentions ironiques du réalisateur assez habitué à un certain cynisme dans son cinéma.
When the Light breaks réconcilie le spectateur avec le cinéma de Rúnar Rúnarsson dont on se souvient du laborieux et très stylé Écho. Le réalisateur opte pour une mise en scène plus classique, un sujet plus accessible, tout en ne se privant pas de critiquer la société bourgeoise islandaise. Les ratés du langage, les pudibonderies inutiles se perpétuent dans un univers feutré, confidentiel, ravagé par la brutalité d’un accident. En tous les cas, nous nous réjouissons de voir dans le cinéma de Rúnar Rúnarsson une volonté affirmée de parler au plus grand nombre de spectateurs.
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