Le tourbillon de la vie
Le 29 janvier 2020
Un diptyque dont la première partie passionnante concentre tout l’effort d’un réalisateur américain, qui dépeint la lente descente aux enfers d’une famille à qui tout souriait, jusqu’à un drame irréparable.
- Réalisateur : Trey Edward Shults
- Acteurs : Lucas Hedges, Sterling K. Brown, Kelvin Harrison Jr., Taylor Russell McKenzie, Alexa Demie
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 2h15mn
- Date de sortie : 29 janvier 2020
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Résumé : La vie de deux jeunes couples alors qu’ils mûrissent, apprennent à se connaitre, tombent amoureux...
Notre avis : "La vie, c’est comme les vagues, c’est comme l’écume, tout se disloque, tout s’en va, tout se perd", disait sœur Emmanuelle. Cette expression ne saurait mieux se prêter au troisième long-métrage du réalisateur américain Trey Edward Shults qui, après avoir présenté Krisha en 2016 et It Comes at Night en 2017, s’intéresse de nouveau à un microcosme où les drames les plus destructeurs peuvent se produire : la famille. Partant du principe que la cellule familiale est destinée à imploser dès que le moindre grain de sable vient perturber un rouage bien huilé, au fonctionnement parfois obscur pour le reste du monde, surtout quand la porte est fermée, il propose un diptyque qui suit la trajectoire du fils dans la première partie et de sa sœur dans une seconde partie.
Waves dépeint ainsi la tragédie que va vivre une famille américaine à qui tout souriait, entre un père ambitieux, une mère aimante, un fils prometteur et une fille studieuse.
La première partie, consacrée à Tyler, montre un adolescent extraverti, amoureux, entouré d’amis, soumis à une pression colossale de la part de son père, mais également de son lycée en raison de ses performances sportives, qui devraient lui permettre d’obtenir une bourse et peut-être une place dans une prestigieuse université. Le culte de la performance s’abat telle une chape de plomb sur un adolescent dont le corps est déjà en pleine mutation. C’est une pression supplémentaire sur les épaules d’un jeune homme qui subit les conséquences de siècles de masculinité toxique : tu seras un homme, mon fils… Pour le meilleur et surtout pour le pire.
- Copyright Universal Pictures International France
La mise en scène, nerveuse et puissante, est à l’image de la personnalité de Tyler, qui est à un âge où notre corps semble nous trahir. La pression que l’on s’inflige à soi-même n’est pas suffisante : il faut en plus subir celle de nos parents et gérer leurs attentes, parfois trop grandes pour les frêles épaules d’un garçon qui n’est pas encore un adulte.
Waves interroge sur le rapport parfois difficile que l’on entretient avec notre corps, mais aussi sur ce qu’il représente pour les autres : car au sein d’une société où un petit nombre décide pour le grand, notre corps nous appartient-il vraiment ? L’arrogance des uns, qui savent mieux que les autres ce qu’il y a de mieux pour tout un chacun, finit par se heurter aux épreuves de la vie ; une évolution que la caméra de Trey Edward Shults suit avec enthousiasme, réalisme, puis désespoir, témoignant d’un changement de ton qui va servir une seconde partie moins haletante.
La seconde partie dépeint les conséquences d’un féminicide sur des parents anéantis et sur le seul enfant qu’il reste à un couple qui se disloque. Ce segment est moins rythmé et palpitant ; le réalisateur semble avoir concentré tous ses efforts sur une première partie qu’il a voulue originale, laissant la suite se perdre dans des scènes trop longues. Le parallèle entre les destins d’un frère et d’une sœur est certes passionnant, mais le long-métrage aurait gagné à garder un rythme similaire pour les deux personnages. Les clins d’œil de chaque partie à l’autre ne suffisent pas à maintenir l’intérêt qu’une première partie virtuose semble avoir entièrement aspiré.
- Copyright Universal Pictures International France
Claque visuelle, qui suit une famille afro-américaine dans une Amérique qui ne lui fait aucun cadeau, Waves est aussi un film musical dont la bande originale est une actrice à part entière. Rappelant la grande influence que des artistes tels que Frank Ocean ont sur une jeunesse en quête de repères et des mots justes pour exprimer ce qu’ils ressentent, le film fait de chaque chanson la parfaite illustration d’une scène, sans jamais être de trop ou importune.
Les acteurs, parmi lesquels l’excellent Sterling K. Brown, semblent se nourrir de la musique pour exprimer des émotions brutes, donnant le meilleur d’eux-mêmes en suggérant ce que chaque individu pourra ressentir.
Waves réussit malgré tout son pari, tant il est difficile d’oublier facilement ce film qui entraîne son public dans une vague d’émotions en posant les bonnes questions. Comme la vie ?
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