Le 31 août 2018
Un film marocain engagé contre la désespérance et le déterminisme social, qui signe avec force, la peine de tout un pays à sortir son peuple de la pauvreté et de la domination des plus riches, alors même que le développement économique n’a jamais été aussi important.
- Réalisateur : Faouzi Bensaïdi
- Acteurs : Mouhcine Malzi, Nadia Kounda, Abdelhadi Talbi
- Genre : Drame social
- Nationalité : Français, Marocain, Qatarien
- Durée : 1h46mn
- Date de sortie : 19 septembre 2018
- Festival : Festival de Venise 2017
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Résumé : Abdelkader est vigile et Malika est employée de maison. Ils viennent de se marier et sont fous amoureux. Malgré des problèmes d’argent, ils rêvent d’emménager ensemble et de vivre leur amour. Un jour Abdelkader va vivre un épisode d’une grande violence, une humiliation qui va chambouler leur destin.
Notre avis Volubilis est le nom donné à un site archéologique antique, près de Meknès, laquelle cité punique a été, en son temps, un centre de rayonnement intellectuel, économique et artistique, jusqu’à ses abandons successifs par les Romains ou beaucoup plus tard par la dynastie idrisside. En quelque sorte, en donnant ce titre à son quatrième film, le réalisateur marocain, Faouzi Bensaïdi, dit quelque chose de son propre pays, écartelé entre le conservatisme des traditions et le renouveau de la pensée, la pauvreté endémique et le développement économique qui ne cesse de croître, et son incapacité à répartir les richesses auprès de la population modeste. Volubilis donne ainsi la voix à un jeune couple, de classe ouvrière et dominée. Lui est vigile dans un grand magasin en plein essor, elle est employée de maison. Ils tentent de s’aimer dans un contexte social où il est difficile de survivre avec des revenus si modestes, alors même que les écrans de télévision abondent de partout dans les maisons et que la consommation est hors de contrôle, particulièrement dans ce commerce où la bourgeoisie est encouragée à dépenser.
La première séquence qui oppose la jeune femme, Malika, et son employeur marque d’emblée le paradoxe dans lequel se trouve le Maroc. Si puritain soit ce pays, il n’empêche qu’au moment de lui donner sa paye, le patron commet une caresse plus qu’explicite sur la main de l’employée que le jeune amant, Abdelkader, tentera de purifier avec une crème blanche. La modernité s’étale, béante, avec toutes ses contradictions et hypocrisies : les vigiles sont encouragés à tabasser les jeunes voleurs, faute de réponse pénale par la police ; l’alcool sévit dans les familles ; on doit cacher les pauvres des plus riches dans les centres commerciaux, etc. Bref, Faouzi Bensaïdi raconte un pays, en total bouleversement, qui se débat dans ses propres tensions et paradoxes.
- © 2014 ASC Distribution, tous droits réservés.
On pourra reprocher une approche métaphorique un peu démonstrative, notamment quand il s’agit de décrire l’escalator qui n’est pas en panne pour la bourgeoisie montante mais est interdit aux plus pauvres. Néanmoins, le film pose de véritables questions sur l’état d’une société qui doit passer le pas de la modernité et donc la fin des privilèges. Le débat sur le port du voile par exemple, à l’initiative des maris ou de femmes de pouvoir elles-mêmes, est l’un des enjeux de cette histoire, où l’on découvre qu’il s’agit plus d’un stigmate de la pauvreté que d’une tradition religieuse qui s’imposerait à toutes. Le réalisateur aborde frontalement les blessures d’un pays, sans fard, comme la discrimination, le harcèlement au travail, le harcèlement sexuel, la corruption de la police avec l’affairisme, l’adultère, la prostitution, sur fond d’hypocrisie et de faux-semblants. Le jeune couple incarne alors une sorte d’icône de la résistance qui essaye, malgré l’indignité qui les accable, les épreuves qu’ils subissent, de faire advenir la justice, au risque de faire exploser leur amour et de se perdre dans un combat perdu d’avance. Ce qui est certain, c’est que l’amour, la solitude, la quête de sens traversent tous les êtres humains et transcendent les différentes classes sociales. C’est ce qui rend, soudain à ce film si grave, l’espoir d’un monde possible où la raison aura gagné sur les exclusions et les injustices sociales.
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Les femmes occupent un rôle de taille dans ce récit, finalement plus sociologique, qu’intimiste. Ce sont elles qui portent le mieux le projet d’émancipation de la société marocaine. Le réalisateur donne à voir un pays où les rapports sociaux sont tendus, loin des images d’Epinal d’un Maghreb enchanteur et accueillant. Il n’y a presque aucun espoir de permis ici, et pourtant, même dans la pire des tragédies grecques, ce sont elles, les femmes, qui permettent à un destin de devenir tout autre. Si l’on regrettera quelques maladresses de la mise en scène dans sa volonté de dénonciation, il n’en demeure pas moins que ce Volubilis est un beau moment de cinéma qui donne à espérer un monde meilleur, à l’aube des printemps révolutionnaires qui secouent les pays arabes.
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