Vodka lemon

L’argument : Hamo a soixante ans et s’ennuie sec dans sa vie. Il habite avec l’un de ses fils et sa petite-fille dans un village arménien où la misère pousse les gens à vendre des armoires sur le bord des routes. Un jour, il reçoit la lettre de son fils qui vient de France et qui, paraît-il, est pleine de dollars. Info ou intox ?

Notre avis : Dans cette semaine charnière où sortent des films très attendus, le chétif Vodka lemon va avoir du mal à se faire une place. C’est regrettable car cette fiction mise en scène par Hiner Saleem mérite attention et réflexion. Si le système d’assemblement de saynètes surréalistes peut au préalable paraître déconcertant (une bonne demi-heure où le film semble s’éparpiller dans tous les sens), on voit rapidement se dessiner une chronique plurielle assez cohérente. Subtilement, le cinéaste fait se chevaucher des micro-intrigues dont les interactions provoquent des effets inattendus, souvent amusants. Ce procédé qui consiste à enregistrer sur pellicule l’absurdité d’un pays (l’Arménie) pour faire danser le tragique et le dérisoire n’a rien de révolutionnaire (Elia Suleiman, Roy Andersson et Otar Iosseliani connaissent la formule stimulante), mais elle donne lieu ici à des situations drôlement tristes.
Parfois un peu fouillis, le métrage n’évite pas les maladresses, mais il les compense par des touches tantôt burlesques tantôt dramatiques toujours bien senties. Ceux qui sont perdus ou rétifs à cet humour qui privilégie le comique de situation (un cheval traverse à plusieurs reprises dans le champ sans qu’on sache pourquoi) peuvent se raccrocher à cette rencontre de deux vieux endeuillés qui se découvrent une attirance mutuelle. Comme pour consoler leur profonde tristesse.
Véritable ossature du film, cette historiette qui rappelle qu’il n’y a pas d’âge pour tomber amoureux est parfumée au son du Tombe la neige de Salvatore Adamo. Répétée à plusieurs reprises, cette chanson est en parfaite adéquation avec l’humeur mélancolique de ce puzzle fiévreux (revoir le final de Y aura-t-il de la neige à Noël ? pour s’en convaincre). Fable tendre qui sonde la déréliction d’un pays, Vodka lemon ne cède pas aux pièges du didactisme édifiant et préfère le sourire à la grise mine. Bons choix.