Le 4 février 2018
Un film à la vitalité nietzschéenne, que la mélancolie suit comme une ombre.


- Réalisateur : Jo Sol
- Acteurs : Antonio Centeno, Pepe Rovira, Arantzazu Ruiz
- Genre : Drame
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Les Films des Deux Rives
- Durée : 1h25min
- Titre original : Vivir y otras ficciones
- Date de sortie : 7 février 2018
- Festival : ArteKino Festival

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Résumé : Antonio est écrivain. Il est tétraplégique aussi. Pour lui, jouir d’une sexualité épanouie est un choix vital, voire politique. Tout le monde devrait y avoir accès mais personne ne veut s’en mêler. Mais c’est un activiste. Entre l’hostilité de son aide soignante, l’enthousiasme d’une prostituée militante et la perplexité de son assistant de vie, Antonio met en place un lieu d’assistance sexuelle chez lui. Pepe, sorti de l’hôpital psychiatrique, rencontre Antonio. La relation qu’il tisse avec lui va définitivement bouleverser son regard sur la vie.
Notre avis : Antonio le tétraplégique ne se conformera pas à l’image que la société lui assigne : celle d’un handicapé convenable, parce qu’il accepte courageusement son destin, se résout à survivre, à exister dans la sempiternelle dépendance des autres. Non, lui, ce qu’il veut, c’est vivre, investir l’énergie que lui dicte son corps à travers une activité sexuelle, puisqu’il a bien compris que là persistait le tabou social. À ces anatomies que le discours des valides perçoit comme diminuées, notre homme propose une assistance sexuelle, à domicile, puisque l’Etat, évidemment, n’œuvrera jamais dans le sens de cette émancipation, même si, de manière utopique, notre subversif auteur souhaiterait que fussent légalisées ces séances pour les handicapés. Et financées par les deniers publics, ça va de soi.
Ce qu’il s’agit tout simplement de retrancher, c’est la peur chevillée au désir, qui participe du contrôle social. Donc, ses amis, comme lui-même, n’auront plus peur. Une accorte prostituée les visitera, tous ces hommes, finira elle-même par accéder à une jouissance inconnue, par ajuster le rythme de ses envies à celui des corps qu’elle contente, jusqu’à exulter dans l’orgasme avec Antonio le cérébral, toujours dans le commentaire de ce qu’il fait. Ne s’enchaîne-t-elle pas elle-même à contenter un plaisir masculin, sur le mode d’une transaction marchande ? C’est ce que pense l’aide-soignante d’Antonio, pour qui un handicapé qui paye les faveurs d’une femme reste un homme qui s’offre une prostituée.
En contrepoint, le parcours de l’assistant de vie, Pépé, paraît furieusement analogique du chemin accompli par Antonio : lui aussi a dû affronter le regard des autres, refouler pendant des années son désir de chanter, l’observer derrière la prison de son âme, tandis que son corps déambulant avec sa guitare dans un Barcelone nocturne, ne produisait que quelques balbutiements mélodiques, sur des cordes tendues. Il était dès lors naturel que les deux hommes donnent à leur relation un tour plus confessionnel.
Chacun des personnages de ce joli film aspire simplement à vivre, dans la pleine conscience de ce qu’il veut et de ce qu’il peut. Et ce désir seul qui pose problème ouvre des abîmes d’insondable tristesse.