Un polar exotique ? Oui, mais pas de l’exotisme tropical de pacotille, même si certaines visions de Visa pour Shanghai ont la couleur de clichés de vacances. Qiu Xialong, Chinois exilé aux Etats-Unis à la suite des événements de Tienanmen, réussit à nous faire goûter la Chine comme le camarade inspecteur Chen la propose à l’inspecteur Catherine Rohn : en parfait connaisseur des réalités de son pays avec tout ce qu’elles recèlent de confus, d’incongru, voire d’incompréhensible pour le regard étranger.

Face aux proverbes des sages et aux traditions multiséculaires, face à la richesse de l’art culinaire chinois et à la beauté de ses temples se dressent aussi des êtres humains, douloureusement marqués dans leur chair par la Révolution culturelle qui les a conduits aux champs, aux persécutions, à la prison. Xialong, depuis son exil américain et à travers la figure de Chen, fait montre d’une amère et nostalgique lucidité sur les errements passés et présents de la Chine, lucidité ambiguë qui empêche l’inspecteur d’afficher une totale allégeance envers ce parti dont il est pourtant un futur cadre prometteur.

Côté polar, tous les ingrédients sont réunis pour tenir le lecteur en haleine : l’accord sino-américain contre les réseaux d’immigration clandestine, les triades, la corruption de la police, le dénouement dans les toutes dernières pages. Et l’inspecteur qui avait tout deviné avant le lecteur alors que chaque page est truffée d’indices...

Roman policier de facture assez classique somme toute, mais qui évite quelques pièges du genre (la collaboration entre les deux inspecteurs, notamment, qui ne tourne pas à la mièvre idylle), et qui sonne comme une impérieuse invitation au voyage, à la découverte d’un pays au passé pas uniformément reluisant mais toujours envoûtant.