Le 21 avril 2024
- Scénariste : Leela Corman >
- Dessinateur : Leela Corman
- Genre : Historique, Chronique sociale
- Editeur : Éditions çà et là
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 19 avril 2024
Une fresque expressionniste qui brosse le portrait de femmes juives et américaines durant la Deuxième Guerre mondiale, et questionne le traumatisme de la Deuxième Guerre mondiale.
Résumé : Rose Arensberg est une juive américaine employée comme ouvrière sur les chantiers navals de Brooklyn, à New-York. Alors que son mari, Sam, est engagé au front en Europe, elle entretient une relation avec Georges, un vétéran de la guerre amputé d’une jambe. Au quotidien, Rose s’occupe de sa fille Eleanor et de Ruth, une jeune femme juive qui a fuit Berlin avant-guerre et qu’elle héberge. Profondément marquée par sa jeunesse en Allemagne, Ruth sait se défendre et ressent le besoin d’extérioriser sa violence : elle frappe sans ménagement les hommes qui l’agresse, au point qu’elle se voit proposer de devenir catcheuse profesionnelle… De son côté, Sam fait partie des Américains qui découvrent les camps de concentration, et il en ressort profondément marqué.
Critique : Album au titre ironique compte-tenu de la nature du récit, Victory Parade décrit la violence physique et sociale qui accompagne la Deuxième Guerre mondiale, à travers le portrait de femmes qui restent à l’arrière : plutôt que de montrer directement la guerre, Leela Corman s’arrête sur les relations sociales en temps de guerre, en se focalisant sur les femmes : Rose est ainsi inspirée de la fameuse « Rosie la riveteuse », dont l’affiche vantant l’implication des femmes dans l’effort de guerre a fait le tour du monde, au point de devenir une icône féministe. Dans la continuité de Dessous (çà et là, 2012), portrait de deux sœurs juives dans New-York du début du XXe siècle, Leela Corman met en scène des femmes juives. À cet égard, la figure de Ruth s’avère saisissante (même si son destin dans l’album surprendra quelque peu le lecteur). Après avoir fuit l’Allemagne nazie, Ruth est ramenée à New-York à ses origines allemandes, si bien que le voisinage l’appelle « la Boche ». Son nom de catcheuse est d’ailleurs « La Bombe boche » puisqu’elle est destinée à jouer un personnage de méchant. De leur côté, les femmes ouvrières subissent la violence masculine à l’usine, incarnées par les remarques et les sollicitations sexuelles, et vivent dans l’attente de nouvelles de leurs maris. La violence s’incarne également dans le propos, comme cette ouvrière qui souhaite que son mari, qui la traite mal, ne revienne pas du front.
- © Leela Corman / cà et là
Mais revient-on vraiment de la guerre ? C’est la question que Leela Corman pose en fin d’album avec la figure de Sam, qui fait partie de soldats qui ont libéré les camps, et vit dès lors avec les fantôme de ces millions de victimes. Si cette approche est plus classique, son traitement par la dessinatrice l’est nettement moins. Chez Leela Corman, les fantômes sont incarnés, hantent les vivants et peuvent se venger, une manière sans doute de montrer les Juifs autrement que comme de simples victimes passives.
- © Leela Corman / cà et là
La beauté et la violence de Victory Parade s’incarnent tout particulièrement dans le dessin d’inspiration d’expressionniste. Inspirée par le peintre Otto Dix au point de rendre hommage à plusieurs de ses œuvres dans le récit, Leela Corman représente des corps décharnés et des visages durs dessinés au trait et rehaussé par des aquarelles aux tons tantôt vifs, tantôt passés. Surtout, Leela Corman réalise des métaphores graphiques aussi glaçantes que poétiques pour évoquer la mort et le traumatisme des vivants. Rose voit ainsi apparaître dans son rêve la jambe manquante de son amant, figuré à la manière d’un jambon…
- © Leela Corman / cà et là
Magnifique album tant par son sujet que par son traitement graphique, Victory Parade se place au plein près des femmes et des hommes pour questionner leurs angoisses et leur résilience, et mettre en scène la violence dans tous ses aspects en temps de guerre. L’une des nouveautés de l’année, à n’en pas douter.
176 pages – 25 €
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Galerie Photos
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