Le 30 juillet 2019
Second long-métrage pour Kantemir Balagov : un film de costumes au demeurant très classique. Peut-être un peu trop pour ceux qui regretteront son rythme monocorde. Et pourtant, le propos féministe sous-jacent que portent ses deux héroïnes en fait un film on-ne-peut-plus moderne.
- Réalisateur : Kantemir Balagov
- Acteurs : Viktoria Miroshnichenko, Vasilisa Perelygina, Timofey Glazkov
- Genre : Thriller, Historique
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 2h17mn
- Titre original : Dylda
- Date de sortie : 7 août 2019
- Festival : Festival de Cannes 2019
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Résumé : 1945. La Deuxième Guerre mondiale a ravagé Léningrad. Au sein de ces ruines, deux jeunes femmes, Iya et Masha, tentent de se reconstruire et de donner un sens à leur vie.
Notre avis : A peine deux ans après Tesnota, le jeune Kantemir Balagov (tout juste âgé de 27 ans !) signe un second film à travers lequel on voit se profiler un auteur tourmenté par une problématique bien spécifique : la condition des femmes au sein d’une société radicalement patriarcale. Après une communauté juive orthodoxe dans son premier film, c’est cette fois la Russie de la Seconde Guerre mondiale qui devient le contexte dans lequel vont évoluer ses héroïnes. Mais avant de traiter de celles-ci, il est bon de s’attarder sur la façon dont le cinéaste évoque cette période sombre à l’écran. Outre l’influence évidente que peut avoir la mise en scène d’Alexandre Sokourov sur celle de Balagov, il est indispensable de saluer le travail effectué par Kseniya Sereda, la cheffe opérateur âgée elle aussi d’à peine 25 ans, et qui permet à chaque plan de jouir d’une lumière qui l’assimile à une magnifique peinture naturaliste. Ce fabuleux rendu pictural ne fait qu’accentuer le propos, puisqu’il ajoute à la froideur mortifère propre à l’univers dans lequel évoluent Iya et Masha.
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Le Leningrad en ruines dans lequel les deux femmes sont en charge, notamment, du soin des victimes apparaît ainsi comme un endroit peu propice à la légèreté. Le réalisateur en est conscient et choisit de développer son récit sur un ton tout aussi incommodant, qui prend ouvertement le risque de perdre en route quelques spectateurs. Le rythme langoureux qu’il emploie s’apparente à un cinéma très démonstratif, dont on n’attend pas forcément qu’il mette en avant les émotions de ses personnages. Or, ici c’est tout l’inverse qui se produit puisque, derrière leurs comportements au demeurant opposés, il semble bien vite évident que Lya et Masha sont deux femmes complémentaires et que leur rapport va vite dépasser la simple relation de travail. C’est grâce aux prestations millimétrées de Viktoria Miroshnichenko et Vasilisa Perelygina que ces deux femmes réussissent à exister à l’écran, avec cette intensité qui brise le caractère morne que diffusent les teintes grisonnantes et la construction lancinante -monocorde diront certains. Ces deux femmes, en manque de figure paternelle, en arrivent à devenir, l’une pour l’autre, le piler dont elles ont besoin pour survivre.
L’intervention de Sasha, un infirmier puceau et timide, ne va certainement changer la donne, et même si le scénario s’apparente dès lors à un triangle amoureux, la place des deux femmes dans la narration reste centrale. Il est rare que des films de guerre accordent un rôle aussi privilégié à des héroïnes. Mieux encore, la bisexualité latente qui se révèle entre elles apparaît comme un élément tout aussi transgressif dans les années 40 qu’aujourd’hui, quand on connaît la terrible homophobie qui ravage la Russie. Les thématiques abordées, que sont le droit à l’avortement et, plus globalement, la liberté pour les femmes de disposer de leur corps, se révèlent ainsi des problématiques très modernes, aux antipodes de l’aspect visuel très classique du film. Toute l’intelligence du long métrage est certainement là, dans cette capacité à traiter de questions et à faire évoluer des personnages qui ne sont pas dans leur élément, de la façon la plus éblouissante qui soit.
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