Cris et SOS en mer méditerranée
Le 25 mars 2021
Primé par cinq fois, dont une récompense pour l’interprétation de Mahmoud Shalaby (Les hommes libres), Une bouteille à la mer mêle petite histoire et grande histoire dans cette chronique d’une beauté tragique, presque shakespearienne, du conflit israélo-palestinien.
- Réalisateur : Thierry Binisti
- Acteurs : Jean-Philippe Écoffey, Hiam Abbass, Agathe Bonitzer, Abraham Belaga , Mahmud Shalaby
- Genre : Drame
- Durée : 1h39mn
- Date de sortie : 8 février 2012
- Plus d'informations : Le site officiel du film
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Résumé : Tal est une jeune Française installée à Jérusalem avec sa famille. A dix-sept ans, elle a l’âge des premières fois : premier amour, première cigarette, premier piercing. Et premier attentat, aussi. Après l’explosion d’un kamikaze dans un café de son quartier, elle écrit une lettre à un Palestinien imaginaire où elle exprime ses interrogations et son refus d’admettre que seule la haine peut régner entre les deux peuples. Elle glisse la lettre dans une bouteille qu’elle confie à son frère pour qu’il la jette à la mer, près de Gaza, où il fait son service militaire. Quelques semaines plus tard, Tal reçoit une réponse d’un mystérieux "Gazaman"...
Critique : Une bouteille à la mer et l’espoir d’une rencontre pour un jeune Roméo palestinien et sa jolie Juliette israélienne. Adapté du roman du même nom (Valérie Zenatti), le fim de Thierry Binisti s’attache à rapprocher deux personnages que tout oppose : Tal, lycéenne d’origine française et Naïm, livreur de t-shirt. D’une lettre jetée à la mer à la réception d’un e-mail, le couple s’approche et se découvre en douceur, avec méfiance et prudence, soupesant chacun des mots qu’il envoie à l’autre. Une relation manuscrite paraît simple. Mais dans cette région du globe ravagée par la guerre, se connecter à l’autre est un véritable défi. Un défi littéral, puisque dialoguer avec le camp adverse étant considéré comme acte de trahison, mais aussi figuré ensuite : avant d’échanger il faut trouver un langage commun, étranger, neutre, promesse de trêve virtuelle. Un rêve en somme, dont chacun (protagonistes comme spectateurs) sait qu’il restera du domaine imaginaire. Et pourtant, à l’heure du départ de Naïm pour la France, on ne peut s’empêcher d’espérer un rendez-vous prochain dans un café parisien. Avec Une bouteille à la mer le cinéaste Thierry Binisti (L’outremangeur) filme de plain-pied le conflit israélo-palestinien mais laisse la guerre au second plan. Au final ce qui compte pour lui est l’humain. Rapprocher deux voisins déclarés ennemis par un contexte se révèle bien sûr un véritable parcours du combattant. Un monde les sépare. Il y a l’univers de Tal alias ’’miss peace’’, dont les nombreux plans-séquences fluides et aérés suivent avec patience les états d’âme d’une jeunesse à l’occidentale (soirées, petit copain, cours). Et celui de Naïm alias ’’Gazaman’’, fait de secousses, de frictions, et d’angles resserrés qui disent si bien la frustration et la difficulté de vivre en espace clos, piégé dans les ruines d’une parcelle de terre longue d’à peine quarante et un kilomètres.
Ici les kilomètres comptent double et creusent un gouffre à ne pas franchir. Une distance concrète mais abstraite aussi, et presque absurde. Devant son PC, Tal fait le chemin Jérusalem-Gaza via Google Map, comme pour se rendre compte. Si proche et pourtant si loin. Même l’instantanéité des e-mails n’est pas si évidente et l’écart culturel est souvent trop grand, comme en attestent les scènes alternées entre les deux camps, la nuit de la Saint-Sylvestre. Quand Tal offre ses vœux à Naïm, ce dernier lui répond avec ironie que pour lui, l’année commence le jour de l’Aïd. Etrangement, c’est dans les attentats qu’ils se rapprochent le mieux, la matérialité d’une guerre commune les rappelant à l’ordre. C’est aussi dans ces moments-là qu’ils se rejettent la pierre, sombrent dans les préjugés et rompent toute communication. D’un côté, Tal, rongée par l’incompréhension et une certaine culpabilité, cherche à comprendre ; de l’autre, Naïm, révolté par les extrémismes et les morts, se réfugie dans l’apprentissage du français. Une force d’évasion et une intensité sourde de rage contenue qui crève l’écran et tranche d’avec l’interprétation d’Agathe Bonitzer (Tal), plus candide et plus réfléchie. Et c’est bien là toute la réussite du film qui parvient à ne pas verser dans le ’’on est tous pareils’’. Entre Naïm et Tal il n’y a que des différences, si bien que l’on se demande ce qu’il peuvent bien avoir à se dire. Rien, à part peut-être la curiosité, la volonté de compréhension, et l’envie de liberté. Une relation ambiguë que leur entourage désavoue, à commencer par le cousin de Naïm, celui qui a découvert la bouteille, affirmait pourtant avec humour, avoir la priorité si le bout de papier se révélait être une lettre d’amour....
En arrière fond, la musique s’estompe sous le sifflement des roquettes. Des cafés explosent à Jérusalem et des morts ensanglantent le sol de Gaza. Bloquée entre quatre murs, la vie ne tient plus qu’à un fil. Pile ou face. Tombera, tombera pas.
Un film nécessaire, d’une gravité légère, un brin utopique, sur la question de la mitoyenneté, du contact, de la bouteille tendue en guise de SOS. Message bien reçu.
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