Le 16 janvier 2006
Textes, notes éparses, courriers, pour retracer les chemins de l’amitié qui unissait l’écrivain aviateur au dédicataire du Petit prince.
L’un épatait la galerie avec ses tours de prestidigitation et s’amusait à résoudre des casse-tête mathématiques, l’autre savait marcher sur les mains et adorait danser le tango. À les voir côte à côte sur les quelques photos d’amateur qui illustrent ce livre de souvenirs, on ne peut s’empêcher de sourire. Laurel et Hardy. L’ours placide et le lutin vibrionnant. Peut-on imaginer deux personnages si dissembables ? Leur différence, d’ailleurs, n’était pas que physique, elle était aussi métaphysique. C’est justement ce qui a rendu leur relation si fertile. Comme l’écrit Saint-Exupéry dans sa Lettre à un otage [1] adressée à Léon Werth alors porteur de l’étoile jaune : "Si je diffère de toi, loin de me léser, je t’augmente." Peut-on mieux dire l’enrichissement réciproque procuré par une amitié authentique ?
Lorsqu’ils font connaissance, en 1931, ils ont respectivement cinquante-trois et trente et un ans. Le plus jeune est pétri de respect et d’admiration pour son aîné qu’il considère comme son maître en écriture. Mais l’amitié s’en mêle, qui les mettra bientôt sur un pied d’égalité. "L’amitié de Saint-Exupéry respirait comme l’air des sommets", écrit Léon Werth dans l’un de ces merveilleux petits textes qui cassent l’image monolithique du héros statufié de son vivant. Poursuivant post mortem le dialogue interrompu, Werth y aborde de nombreux sujets, Dieu, la mort, l’honneur, la pitié, et l’amitié bien sûr... toutes questions en suspens qu’aucune conversation ne viendra plus éclairer. Il y esquisse, par petites saynètes, un portrait plein de douceur de son ami disparu. Beaucoup de pudeur pour décrire ce sentiment inexplicable qui les a si fortement liés et la peine qui l’étreint. Beaucoup de reconnaissance aussi. Tout cela sans emphase, à la Werth, avec son habituel bonheur d’écriture, ses métaphores saisissantes, ses grommellements et ses coups de gueule lorsqu’il s’insurge contre les certitudes des "biographes pressés". Un nouveau Saint-Exupéry prend forme sous sa plume, plus quotidien, plus contrasté, plus humain. Et une évidence s’impose : si Saint-Exupéry a dédicacé ce chef-d’œuvre qu’est Le petit prince à Werth, c’est pour parachever ce chef-d’œuvre que fut leur amitié.
Léon Werth, Saint-Exupéry tel que je l’ai connu..., éd. Viviane Hamy, 160 pages, 22,70 €
[1] Publiée chez Brentano’s à New York en 1943
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