Undone - La critique de la série

Notre avis : Alma prend conscience de la routine de son quotidien au moment où elle perd le contrôle de sa voiture, après une violente dispute. A son réveil à l’hôpital, le temps se tord dans son esprit, au point qu’elle peut voir, entendre et communiquer avec son père mort, lorsqu’elle était enfant. Il lui demande alors de retrouver celui qui a pu l’assassiner, afin d’empêcher son meurtre.

Si l’histoire a l’air plutôt classique, la réalisation ne l’est absolument pas. Alma, le personnage principal, se caractérise par ses défauts : elle s’ennuie dans son couple, ne s’entend pas avec sa famille et ne se passionne pas pour son emploi de puéricultrice. Résolument moderne, cette jeune femme, qui veut s’affranchir de son quotidien, doit d’abord comprendre qu’il elle est et d’où elle vient. Réminiscence ou imagination ? Chacun tranchera en regardant la série. Finalement, elle se lance dans une quête qui devient une question de survie : donner du sens à sa vie, en cherchant à comprendre ce qui a pu se passer. Pour cela, les réalisateurs n’hésitent pas à nous transporter dans le temps, à distordre l’espace et même à replonger dans les danses ancestrales. Nos pensées ne sont qu’un labyrinthe, pour nous amener à répondre à nos questions et ce n’est pas toujours le chemin le plus simple qui donne les réponses.

La série est sciemment réalisée, afin de confondre le réel et l’imaginaire : les acteurs sont des personnages animés, le format des épisodes de vingt-trois minutes donne une impression d’urgence et l’intrigue, fondée sur le réveil d’Alma après son accident de voiture, pose la question de l’éveil et de la conscience. Le titre lui-même, Undone, livre davantage de questions que de réponses : s’agit-il d’inachevé ou bien au contraire cela s’applique-t-il à Alma, qui se retrouve détachée ? Mais peu importe, le récit se suffit à lui-même en raison des thèmes abordés, plus profonds qu’ils n’y paraissent. Tout d’abord, la quête d’identité. Alma, jeune femme sourde appartenant à la communauté latino-américaine, a perdu son père lorsqu’elle était enfant. Emportée dans la routine du quotidien, elle a besoin de comprendre d’où elle vient pour mieux appréhender le présent. A travers son enquête sur la mort de son père, elle va saisir avec son regard d’adulte ce qu’elle ne voyait pas étant enfant. La famille tient une place importante dans la série : si la protagoniste ne s’entend pas réellement avec sa sœur ou sa mère, elle est présente pour elles et vice-versa. Il est question de communauté, de manière subtile, entre rêve et réalité.

Après son accident, Alma se découvre des facultés de revenir dans le temps. La métaphore, qui s’applique à l’enquête et la quête de son identité, est importante : il est possible de replonger dans le passé, de revoir les mêmes scènes, pour mieux assimiler ce que l’on n’avait pas vu. Lorsqu’elle se retrouve dans une situation cocasse devant les enfants à la crèche, il s’agit d’extérioriser une peur courante chez les personnes angoissées. Il n’est jamais question clairement de psychothérapie, pourtant les signes sont bien présents. Toutefois, ce processus ne paraît pas laborieux et déprimant dans la série, en raison des dialogues teintés d’humour entre les membres de la famille, du franc-parler d’Alma qui veut se détacher des traditions et s’éloigner des schémas que l’on voudrait lui assigner. En quête de liberté et de non-conformisme, elle ira peut-être jusqu’à nier l’évidence et refuser d’admettre la vérité. Ou peut-être a-t-elle besoin d’aide pour mieux s’accepter et se soigner.
En l’occurrence, la série rend très bien compte de la perception par les personnes atteintes de troubles mentaux : la paranoïa, l’interprétation de signes, les obsessions. Il s’agit là d’un des thèmes centraux de la série : doit-on croire aux visions d’Alma ? Il s’agit d’un thème classique, mais il est traité ici avec sincérité et humour.

Quête initiatique, deuil, réflexion sur la réalité et la maladie mentale : les ingrédients se mêlent à merveille dans Undone grâce à l’interprétation des acteurs et les scènes précisément écrites, qui permettent toute l’épaisseur de l’intrigue. On pense à Maniac, série marquante de 2018, mais aussi au jeu vidéo Virginia pour la narration. Rosa Salazar (Alma) et Bob Odendirk (Jacob, son père) donnent remarquablement corps aux personnages. Une saison 2 a été annoncée par Amazon.