Le 20 septembre 2023
- Réalisateur : David Robert Mitchell
- Date de sortie : 8 août 2018
Découvert il y a quatre ans avec It Follows, David Robert Mitchell revient avec un film qui lui a valu d’être qualifié, lors du Festival de Cannes où il était en lice pour la Palme d’Or, de "nouveau David Lynch". Prometteur. Parce que l’on est convaincu que Under the Silver Lake va beaucoup faire parler de lui, on a tenu à profiter de son passage à Paris pour rencontrer son auteur et essayer de lui extirper quelques explications.
- Distribué par Le Pacte Distribution
JD : La dernière fois qu’on s’est vu, c’est il y a 4 ans, à la sortie de It Follows, et je me souviens que tu qualifiais d’« idiots » les spectateurs qui, à commencer par moi, te demandaient de quoi ce film était la métaphore. Aujourd’hui tu reviens avec l’histoire d’un geek qui devient fou à force de vouloir sur-interpréter la culture pop. Est-ce qu’il faut y voir une réponse à ce public à côté de la plaque ou est-ce que je suis toujours aussi idiot de vouloir trouver un tel message ?
David Robert Mitchell : (rires) Mais non, je n’ai jamais traité personne d’idiot, au contraire j’aime l’idée que les gens puissent avoir plusieurs façons de lire ou d’interpréter mes films. C’était d’ailleurs la base d’Under the Silver Lake que de pouvoir offrir aux spectateurs un certain nombre de pistes, et si possible au sein d’une même scène ou d’un même concept. Le projet repose sur ce personnage qui cherche des réponses, et comment il va être amené à chercher jusqu’à des endroits où il n’y en a pas. Je ne voulais pas d’un jeu de pistes où le spectateur peut se contenter d’être passif : il doit chercher aussi et, à sa façon, aider Sam.
La première chose qui saute aux yeux dès lors qu’on suit ton personnage est le monde étrange dans lequel il évolue. Cette représentation que tu fais de Los Angeles, est-ce que c’est plutôt la ville dont tu rêves ou au contraire la somme de toutes tes peurs ?
C’est une version plutôt cauchemardesque de Los Angeles. C’est pourtant une ville que j’aime énormément mais c’est aussi, comme toutes les villes d’ailleurs, un lieu pour lequel j’ai une part de mépris. Le film exagère ce sentiment complexe en même temps qu’il montre ce qu’il y a de plus beau sur place. Je reste convaincu que la vraie Los Angeles est meilleure que celle que j’ai montrée dans mon film !
Je ne vais pas te demander de lister toutes les références culturelles présentes dans ton film...
Je ne pourrais pas le faire, il y en a trop !
Je m’en doutais. Mais, parmi toutes celles que l’on peut voir, y en a-t-il qui ont été le véritable déclencheur pour te lancer dans un pareil projet de film somme ? Et ce regard perturbé que tu poses sur la culture populaire, est-ce que tu ne crains pas que ce soit le même que les spectateurs aient sur ton travail qui finit par s’y assimiler ?
Le point de départ vient évidement de mon amour pour la pop culture de façon générale, mais surtout pas dans l’inspiration que m’aurait donné un, ni même plusieurs, éléments en particulier. Le scénario d’Under The Silver Lake puise surtout ses racines dans la peur que j’ai pour toutes ces choses dont je ne sais jamais si elles vont m’aider ou être un obstacle dans mon propre parcours. La question qui me hante et que j’ai voulu exprimer dans ce film, c’est de savoir s’il peut y avoir de la beauté et de la lumière, au sens philosophique, dans des objets commerciaux, dont le but n’est que de générer de la richesse. Mon projet était de poser la question de la confiance que l’on peut en avoir pour « art de masse », et pas de le sacraliser en lui rendant hommage. Évidemment, ce que je crée finit par se retrouver au cœur même de ce conflit qui m’obsède mais, encore une fois, je ne veux pas m’exprimer sur l’interprétation que les gens feront de mes films.
- Copyright Le Pacte
La question que mes collègues m’ont le plus demandé de te poser c’est « qui est le tueur de chien ? »...
Ça non plus, je pourrai pas te le dire parce que je ne sais pas, mais tu ne seras pas le premier à me poser la question !
Et du coup qu’est-ce que tu réponds à ces spectateurs un peu frustrés de ne pas avoir toutes les réponses ? Faut-il qu’ils revoient plusieurs fois le film pour bien le comprendre ou est-ce que tu les as volontairement laissés dans cette abstraction ?
Le film est fait pour pouvoir être revu de nombreuses fois, pour y découvrir chaque fois un certain nombre de choses qui ne seraient pas apparues les fois précédentes. Ça permettra aussi de relier certains éléments à d’autres films. C’est-à-dire qu’il contient ce qu’il décrit, à savoir des codes, des indices et des mystères... résolubles ou pas.
Une question à laquelle j’espère que tu pourras répondre, c’est celle du choix d’Andrew Garfield. Pourquoi avoir fait appel à cet acteur que l’on n’avait pourtant pas vu dans ce genre de rôles d’antihéros ?
Je suis fan des prestations qu’il a pu faire dans des rôles loin de celui que j’avais imaginé, et j’étais convaincu qu’il serait très bon dedans. C’est un personnage plein de défauts, qui fait plein de choses perturbantes et prend beaucoup de décisions douteuses, et en même temps il fallait que les gens puissent le suivre. C’est pour ça qu’il me fallait un acteur avec ce charme particulier qui réussit à le rendre sympathique en dépit de tout ce qu’il allait faire. Andrew me semblait capable de faire ressentir cette empathie pour lui.
L’un des points commun avec It Follows, en plus du caractère abstrait de la menace qui la rend particulièrement effrayante, c’est la présence de cet élément, qui est l’eau, et qui appelle dans les deux films à l’association entre les notions de sexe et de mort. Pourquoi cette attraction/répulsion pour l’eau ?
C’est vrai que j’ai un certain amour pour l’eau. D’abord, visuellement, j’aime la beauté des reflets de lumières, et c’est quelque chose de particulièrement agréable à filmer. L’eau a aussi une résonance audio que j’aime capter parce que j’ai remarqué que le public réagit d’une certaine manière quand un corps se meut dedans ou quand il nage. Thématiquement, ça renvoie à une sensualité mais aussi à un certain danger, parce que tout le monde en a plus ou moins une peur primaire.
- Copyright Le Pacte
Justement, tu évoquais le travail sonore, et c’est cet aspect qui alimente le mieux le caractère horrifique de ta mise en scène, alors que ce n’est pas comme ça que le film se présente. Comment travailles-tu cette dimension ?
C’est une question délicate, je pense que je ne pourrai pas dire spécifiquement comment le son peut renforcer la noirceur des images. Je crois que c’est une combinaison entre la captation de l’environnement et la musique ajoutée qui accroît cette sensibilité à une ambiance et l’expérience immersive qu’il faut faire vivre aux spectateurs. Je travaille avec une équipe et c’est vrai que je regarde avec beaucoup d’attention comment ils parviennent à recréer, par le son, la sensation d’être dans un espace spécifique. Mais je ne saurais pas dire comment le son peut rendre plus tangible le danger, c’est quelque chose de trop instinctif.
Toujours à propos de danger, est-ce que c’est du regard que tu portes sur le monde ou de ton expérience de spectateur que tu en venu à vouloir faire de la beauté la principale source de danger, puisque c’est finalement le cas dans tes trois films ?
(rires) Je crois que les choses me viennent avant tout de mes rêves et cauchemars, mais eux-mêmes me sont inspirés à la fois par mes ressentis au quotidien et des souvenirs que je garde de films que j’ai pu voir il y a longtemps. J’en arrive à me perdre dans ce mélange, et c’est justement ce que j’ai voulu faire partager dans Under the Silver Lake.
LA CRITIQUE
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