Le ciel irlandais était en paix
Le 28 décembre 2016
L’adaptation honnête d’un très beau roman, dans laquelle Yves Boisset révèle une facette discrète et humaniste de son talent. Les paysages de l’Irlande sont magnifiques et les comédiens, irréprochables.
- Réalisateur : Yves Boisset
- Acteurs : Charlotte Rampling, Philippe Noiret, Peter Ustinov, Fred Astaire, Agostina Belli, Edward Albert
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Irlandais, Italien
- Distributeur : Parafrance
- Durée : 1h55mn
- Box-office : 518.495 entrées Paris Périphérie / 1.464.472 (France)
- Date de sortie : 25 mai 1977
- Festival : Festival de Cannes 1977
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Résumé : L’arrivée d’une jeune femme, Sharon, dans un petit village d’Irlande bouleverse l’existence d’amitié et de silence de Jerry, cadet d’une famille de milliardaires, et de Philippe Marchal, qui s’est réfugié dans ce village après la mort de son fils.
Notre avis : En 1973 paraît Un taxi mauve, roman de Michel Déon qui devient rapidement une référence : une déclaration d’amour à l’Irlande, un style poétique d’une maîtrise totale, une galerie de portraits drôle et délicate, des personnages haut en couleur traversés par le malheur ou par l’idée de mort, et qui se ressourcent au contact d’une Nature majestueuse... Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que le cinéma se saisisse de cette belle histoire, car dès 1977, Yves Boisset en propose une adaptation, sensible et inspirée. S’entourant d’un joli casting international (Philippe Noiret, Charlotte Rampling, Peter Ustinov, et même un Fred Astaire vieillissant dans un rôle à contre-emploi !), Yves Boisset choisit de rester relativement fidèle à l’œuvre originale, malgré quelques coupes obligatoires et les remaniements qu’exige toute volonté « romanesque » - le réalisateur-scénariste a ainsi légèrement modifié la relation qui unit Sharon et le narrateur Philippe Maréchal.
Au final, le cinéaste parvient à retranscrire l’atmosphère très particulière qui se dégage du roman, entre la profonde mélancolie des personnages, la prégnance de la culture traditionnelle irlandaise et la pesanteur de paysages splendides. Boisset prend le temps de poser sa caméra, amoureusement, sur les tableaux d’un Galway ou d’un Connemara, qu’il compose en petites touches. Parties de chasse, promenades ou virées en auto (le fameux taxi du titre, conduit à toute berzingue), le réalisateur suspend le temps pour nous offrir quelques instants volés, dévoués à la simple contemplation d’une contrée, d’une forêt ou d’un chalet. Il n’en oublie pas pour autant les personnages remarquablement dessinés par Déon, du narrateur en sursis, parti s’enterrer dans un coin perdu pour oublier ses blessures (Noiret) au vieux châtelain mythomane et gargantuesque (Ustinov, dans un rôle en or), en passant par la vamp envoûtante et intellectuelle (la belle Charlotte Rampling, l’élégance british incarnée). Des êtres humains qui se jaugent, qui se jugent, s’allient, s’aiment, se trahissent, et forment une petite communauté d’âmes cabossées, en marge de tout, construisant leur propre monde, hors-temps, loin de la société. L’Irlande est pour eux une sorte de terre d’asile, préfiguration des limbes qui nous attendent tous au terme de notre « grand départ » : une idée superbement exprimée par le monologue émouvant du Dr Scully, sur le quai d’un port, qui clôt le film sur une jolie note. Cette séquence a d’autant plus de résonance que c’est Fred Astaire qui en est le centre, symbole de l’âge d’or hollywoodien, ancien maître de la danse et des claquettes retiré des feux de la rampe - comme si l’acteur, appartenant déjà à un passé glorieux, avait trouvé une sorte de retrait dans ce rôle (tout en simplicité rieuse), dans ce pays, dans ce film en marge.
Les acteurs, remarquablement dirigés, donnent corps à ces figures poignantes et blessées : celles d’hommes et de femmes que les épreuves accablent, que ce soit la mort d’un proche, la maladie incurable, le poids de la famille, les secrets inavouables ; pourtant, le film, toujours à la lisière du drame sans jamais y tomber, ne sombre pas dans la noirceur ou le misérabilisme. Les fines touches d’humour, la douceur de l’ensemble, cette manière de suivre la pente d’une force tranquille, cette confiance dans l’histoire et dans les personnages - tout cela fait du Taxi mauve une œuvre humaniste, toute en retenue. Yves Boisset traite ces thèmes un peu en sourdine, avec une certaine timidité parfois, ce qui l’empêche de donner toute la puissance possible à certains aspects de son histoire (le formidable personnage de Taubelman, qui se caractérise par ses excès, est un peu laissé en friche par le film) ; mais ce léger sentiment d’inaccompli n’altère guère notre plaisir. La surprise de voir le réalisateur français s’illustrer dans un registre plutôt éloigné de celui qu’on lui connaît d’habitude (à savoir la fiction policière, teintée de politique) ajoute au charme subtil de l’ensemble.
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