Le 19 avril 2023
Le documentaire de Sophie-Catherine Gallet explore le non-dit de la grande Histoire, lorsque celle-ci résonne jusque dans la sphère intime. Un premier film prometteur.


- Réalisateur : Sophie-Catherine Gallet
- Genre : Documentaire, Court métrage
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Poissons Volants
- Durée : 0h28mn
- Plus d'informations : Les Poissons Volants

L'a vu
Veut le voir
– Année production : 2022
Résumé : « Jeune femme française et lettone, porter ces deux cultures m’a longtemps paru anodin. Jusqu’au jour où, en marge de mes études, j’ai découvert une Lettonie tiraillée entre glorification de la résistance au soviétisme et silence absolu concernant la période de l’occupation allemande. Dans un jeu de résonances singulières, j’ai bientôt compris que ce silence se retrouvait jusque dans ma famille, habitée, elle aussi, par le non-dit. Mon film est tout autant une enquête autour de cette omerta familiale et nationale, qu’une tentative pour comprendre la complexité des perceptions différentes d’une même Histoire. » (Sophie-Catherine Gallet)
Critique : Le documentaire de Sophie-Catherine Gallet parvient à tenir une culture par les deux bouts de la mémoire, celle qui raconte l’histoire douloureuse d’un pays, la Lettonie, et celle qui documente le récit plus intime d’une famille, la sienne. Le pays balte ressurgit dans sa vérité complexe, au-delà de la période d’occupation soviétique, et l’effervescence d’une identité trop longtemps réprimée est saisie à travers la célébration des solstices, qui unit les corps et la nature, à la tombée de la nuit. Un silence n’a jamais le défaut de trop en dire, guidant avec parcimonie le spectateur dans des environnements urbains peuplés, des campagnes désertes ou des bâtiments ouverts aux quatre vents, vestiges d’un temps révolu qui fut celui de l’occupation soviétique. Les herbes y poussent follement, la caméra elle-même s’agite, étreinte par une soudaine émotion. Mais c’est sous le sable, à proximité de la mer et d’un blockhaus, que la vérité est enfouie, dont le commentaire se saisit pour creuser un sillon dans l’oubli collectif, celui d’une autre histoire, celui d’une collaboration avec l’occupant nazi. Les mots accompagnent la lente pérégrination qui n’a rien d’une procession, mais semble dialoguer avec la fluidité des travellings.
Dans cet enchevêtrement d’univers tantôt animés par la population, tantôt figés par le malaise du souvenir refoulé, la réalisatrice trouve comme l’écho d’un parcours personnel irrigué par une double généalogie. Les plans savent offrir au « silence de plus en plus assourdissant » la belle illustration d’un commentaire précis, soucieux de dire et de se dire, d’unir le récit de l’intimité à la grande Histoire. Un très beau court-métrage.