Le 15 janvier 2022
À travers ce premier long métrage audacieux, la cinéaste Laura Wandel nous plonge tête la première dans la hantise du harcèlement scolaire. Un monde est un geste de cinéma radical nous confrontant à la pérennité de la violence sociale jusque dans la petite enfance. Un choc de ce début d’année.
- Réalisateur : Laura Wandel
- Acteurs : Laura Verlinden, Karim Leklou, Maya Vanderbeque, Günter Duret
- Genre : Drame, Thriller, Drame social
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Tandem
- Durée : 1h15mn
- Date de sortie : 26 janvier 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : Nora entre en primaire lorsqu’elle est confrontée au harcèlement dont son grand frère Abel est victime. Tiraillée entre son père qui l’incite à réagir, son besoin de s’intégrer et son frère qui lui demande de garder le silence, Nora se trouve prise dans un terrible conflit de loyauté.
- Copyright Tandem
Critique : Le premier long métrage de Laura Wandel, sélectionné dans la catégorie Un certain regard au Festival de Cannes 2021, a sonné auprès du public comme une déflagration émotionnelle sans commune mesure. Loin de virer dans le piège aguicheur du sensationnalisme, Un monde s’attache à traiter de la violence psychologique comme un mal omniscient toujours présent, un mécanisme socioculturel capable de s’insinuer partout et contaminer l’être le plus innocent. Ainsi, en resserrant son film dans une seule unité de lieu, le milieu scolaire, lieu de prédilection de l’apprentissage, Laura Wandel nous plonge tête la première dans une spirale infernale, celle du chaos, où l’enfant devient monstre, où la victime devient bourreau. Dès le début du développement d’Un monde, Laura Wandel a voulu concevoir son univers diégétique comme une autre dimension, parallèle à la nôtre, où le champ lexical cinématographique de l’école, notamment dans le travail accordé au son et à sa spatialisation, ne serait qu’un prolongement du mal-être ressenti par Nora, la protagoniste. Soutenu par une mise en scène sensorielle, à la lisière du naturalisme, Un monde déploie son univers à hauteur d’enfants au compte-gouttes, la caméra ne s’affranchissant jamais du point de vue de Nora, les adultes devenant des figures fantoches semblables à des spectres. Ainsi, grâce à ce procédé de mise en scène astucieux et rigoureusement pensé, Un monde touche par intermittence au cinéma de genre pur où l’imagerie cinétique de la réalisatrice peut dès lors se dépêtrer de l’artificialité du cinéma social tire-larmes pour muter vers quelque chose d’autre, le film d’horreur. Les couloirs de l’enceinte forment peu à peu un labyrinthe, la cour de récréation devient une arène de jeu sadique peuplé de cris assourdissants et de visions cauchemardesques, tandis que la salle de classe cristallise l’enfermement et le conditionnement de Nora dans ce qui pourrait s’apparenter à une dystopie savamment dissimulée.
- Copyright Tandem
Mais derrière ce geste de cinéma aussi passionnant que fondamentalement radical se cache un discours politique terriblement d’actualité doublé d’une analyse sociologique terrifiante de vérité quant à la pérennité de la violence sociale jusque dans la petite enfance. La vraie tragédie représentée dans Un monde demeure l’immuabilité des mécanismes de la violence au sein d’une structure sociale aliénante où l’animosité et le déchaînement physique entraineraient chez la victime un refoulement incapable d’être contenu. Cette violence, agissant comme un germe, modèlerait alors les aspirations et les désirs de chaque individu réitérant ces mêmes mécanismes au sein d’un système oppressif et déshumanisant. Laura Wandel s’interdit évidemment tout manichéisme vulgaire jusque dans la représentation de l’agresseur lors des scènes d’altercations physiques. Celui-ci apparaît plus comme un enfant désespéré et brisé qu’un véritable bourreau. Prenant de la première à la dernière seconde, Un monde est une première œuvre puissante, un témoignage pédagogique d’une rare intelligence d’écriture sur les conséquences destructrices du harcèlement scolaire à échelle humaine. Le long métrage, par son traitement réaliste et quasi documentaire, est également un objet culturel précieux et d’utilité publique, une œuvre audiovisuelle fédératrice dont la portée universelle éveillera les consciences et permettra la libération de la parole.
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