Le 22 décembre 2021
- Scénariste : Park Kun-woong>
- Dessinateur : Park Kun-woong
- Genre : Historique
- Editeur : Rue de l’échiquier
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 28 octobre 2021
Dans ce livre magistral, Park Kun-woong revient sur un épisode dramatique de l’histoire de la dictature sud-coréen de Park Chung-hee.
Résumé : Au pouvoir depuis un coup d’État réalisé en 1961 et élu par trois fois à la présidence, Park Chung-hee craint la contestation populaire qui remet en cause son gouvernement autoritaire. Ce militaire de carrière met en place en 1972 une véritable dictature en faisant adopter la « constitution yusin » qui place le le président et les forces armées au cœur du pouvoir politique. Cette nouvelle constitution suscite d’importantes manifestations en Corée du Sud. Pour détourner l’attention de l’opinion, Park Chung-hee fait arrêter huit hommes qui sont accusés d’être des sympathisants communistes et d’espionner pour le compte de l’adversaire nord-coréen. Le pouvoir organise un simulacre de procès et les condamne à mort dans l’objectif d’impressionner les opposants. Le lendemain de la sentence, les 8 hommes sont exécutés dans le plus grand secret. En 2002, une commission d’enquête du tribunal de Séoul conclut que cette affaire a été montée de toute pièce par le pouvoir et lave l’honneur des victimes. À partir de nombreux témoignages, le dessinateur Park Kun-woong reconstitue l’itinéraire de ces huit hommes, leur souffrance et celle de leurs familles.
Park Kun-woong – rue de l’échiquier pour l’édition française
Après Fleurs, Massacre au pont de Non Gun Ri ou Mémoires d’un frêne, Park Kun-woong poursuit son méticuleux travail d’exploration des ombres de l’histoire sud-coréenne. Un matin de ce printemps-là est un livre qui rend hommage à huit victimes choisies de manière assez arbitraires – il s’avère que les hommes sont pour plusieurs d’entre eux des réformistes opposés à la « constitution yusin » sans être communistes – par les services de Park Chung-hee pour détourner l’attention de l’opinion publique et faire passer un message aux opposants politiques. L’album consacre un chapitre par victime et reconstitue minutieusement leur parcours et le destin de leurs familles, qui manifestent mais sont rapidement condamnées au silence puis à l’infamie. Un matin de ce printemps-là possède un caractère volontairement répétitif de part sa structure narrative : l’auteur prend le temps de mettre en scène le destin de chacun de ses personnages, ce qui explique la longueur de ce récit de plus 350 pages. Mais répétition n’est pas synonyme d’ennui, et Park Kun-woong tient tout du long son lecteur en haleine grâce à son habileté de conteur.
- Park Kun-woong – rue de l’échiquier pour l’édition française
La puissance d’Un matin de ce printemps-là réside dans le caractère tragique de ces histoires – le lecteur connaît d’avance le destin des personnages – et l’habileté de narrateur de Park Kun-woong, qui use volontiers d’une forme de poésie graphique. Le dessinateur figure de manière poétique l’absence (les décors jouent à cet égard un rôle essentiel) et l’effacement : aucun des nombreux protagonistes du récit n’a de visage, une astuce habile pour éviter le piège de la représentation d’individus qui ont réellement existé. Park Kun-woong transmet des émotions très fortes à son lecteur, entre le chagrin et un sentiment de révolte mâtiné d’impuissance. La force de ces sentiments rend éprouvante parfois la lecture d’Un matin de printemps-là, mais c’est aussi la force de la littérature que de mettre à l’épreuve son lecteur.
Avec Un matin de ce printemps-là, Park Kun-woong adopte une démarche historienne, puisqu’il est allé à la rencontre des familles des victimes pour recueillir leur témoignage. Il est seulement dommage qu’il n’ait pas choisi de mettre en scène ou d’expliciter sa démarche, d’une manière ou d’une autre, comme l’a fait Art Spiegelman dans Maus ou Jacques Tardi dans Moi, René Tardi, prisonnier de guerre, deux auteurs dont Park Kun-woong se rapproche par son traitement de l’Histoire. Il s’agit probablement pour l’auteur sud-coréen d’une manière de s’effacer derrière les personnages auxquels il rend hommage.
- Park Kun-woong – rue de l’échiquier pour l’édition française
Un matin de ce printemps-là s’inscrit dans la continuité d’une œuvre riche, instructive et puissante. Park Kun-woong exorcise les démons de la Corée du Sud et dépasse la perspective manichéiste qui oppose un Sud démocratique à la dictature nord-coréenne. Un auteur exceptionnel dont il faut découvrir le travail.
388 pages – 29,90 €
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