Le 11 novembre 2020
Un film policier sombre et réjouissant, qui tombe à pic dans une période où la probité et la gestion policière sont si contestées. La ressortie de ce film mythique est un événement et sonne d’une étrange actualité.
- Réalisateur : Bo Widerberg
- Acteurs : Carl-Gustaf Lindstedt, Sven Wollter, Thomas Hellberg, Håkan Serner, Ingvar Hirdwall
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Distributeur : Malavida Films
- Durée : 1h47mn
- Reprise: 18 septembre 2019
- Titre original : Mannen på taket
- Date de sortie : 6 juillet 1977
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Suède, années 70. Le commissaire Nyman, figure controversée de la police suédoise, malade, est retrouvé égorgé dans sa chambre d’hôpital. Le commissaire Beck est chargé de l’enquête. Il apparaît progressivement que Nyman fut un policier particulièrement odieux, mais couvert par sa hiérarchie. Et il se fit également des ennemis au sein même de l’institution policière...
Critique : C’est un homme malade, transpirant, qui regarde le pan de lumière au-dessus de sa tête, depuis l’entrebâillement de la fenêtre jusqu’au détecteur de fumée. Il est policier, il a l’œil et quand la lumière se rétrécit, il comprend qu’une personne s’est introduite pour le tuer. Dans la pure tradition des romans policiers où il faut attendre la fin pour découvrir le coupable, Nyman se fait égorger sans pitié. L’enquête, menée par un flic expérimenté, peut alors commencer, sans que l’on devine qu’en vérité, elle va entraîner son spectateur dans une série de rebondissements et de questionnements incroyables.
Un flic sur le toit s’inscrit dans la tradition des films noirs qui ont fait la gloire du cinéma policier des années 70 et 80. La photographie est souvent sombre. La mise en scène se caractérise par une économie des effets et des émotions, comme pour mieux donner corps au récit policier en lui-même, où les détails vers l’issue s’amoncellent au fur et à mesure que le récit se déroule. A la façon du film plus tardif de Pialat, Police, le long métrage est une sorte d’étude ethnographique de l’état de la police et de la société suédoises de la fin des années 70. Le réalisateur décrypte à travers l’enquêteur principal, Beck, et une multitude d’autres personnages, un univers austère, triste. Le son participe totalement de cette immersion, met en valeur des portes qui claquent, des craquements de couloirs ou de lits, avec, pour caractéristique essentielle, de chercher à rendre compte de la réalité, aussi noire soit-elle. La monstruosité des méthodes managériales et d’enquête de la victime donne ainsi à voir une société tout entière, où la police est omnipotente, au mépris des lois, du soin qui doit être donné aux plaignants, et du principe de présomption d’innocence. En même temps, le cinéaste ne prend pas de gant non plus pour décrire une profession policière confrontée aux pires situations et qui survit comme elle peut au stress - et déjà aux réductions budgétaires, qu’elle subit chaque jour.
L’aventure prend bien sûr le pas, en dépit de l’attention toute particulière qui est portée à la production d’une œuvre cinématographique, à partir de ce qui constitue une suite de scènes, issues de la réalité de la vie policière. En fait, le parti pris réaliste du cinéaste se cristallise dans la manière qu’il a de filmer les objets du quotidien. On pense évidemment aux techniques littéraires développées par Flaubert ou Perec, pour lesquels la transfiguration de la réalité dans une œuvre d’art se joue par l’entremise de détails. Des gros plans nombreux vont montrer une machine à café, une bague, par exemple, autant d’objets de la vie quotidienne qui alternent avec des balais qui nettoient le sang, rappelant le caractère odieux de ce crime. Un flic sur le toit raconte finalement le harcèlement et les méthodes policières des moins orthodoxes qui, sans doute, ont caractérisé la profession en Suède. Pour autant, l’actualité récente illustre parfaitement ce que décrit déjà le réalisateur, avec pour trame de fond, un silence accablant, les couvertures opérées par l’administration centrale, la culpabilité des victimes, face à la violence policière.
Toute la dernière partie illustre le titre énigmatique. Cette fois, le cinéaste s’écarte de sa préoccupation réaliste, pour privilégier un cinéma plus vif, où l’on comprend que le meurtrier présumé a décidé de se venger de la police toute entière. La musique accompagne ce récit, qui devient soudain celui d’un terrorisme d’État. La presse s’en mêle, les foules s’angoissent, pendant que le criminel, perché sur un toit, fait la peau à tout ce qui ressemble de près ou de loin à des policiers. Il y a alors dans la mise en scène quelque chose de théâtral, à la limite du comique, qui permet au rythme de s’animer et de montrer à quel point le pot de terre est parfois plus malin que le pot de fer. Et l’on perçoit à ce moment que Bo Widerberg est un très grand metteur en scène.
- Copyright Malavida, 1976
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.