Art et idéologie
Le 11 décembre 2006
Quand la photographie était un moyen de propagande. Impressionnant.

- Auteurs : Jacqueline FRYDMAN, Olga SVIBLOVA
- Editeur : Passage de Retz
- Genre : Art & Culture

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Quand la photographie était un moyen de propagande. Impressionnant.
Le Passage de Retz accueille les épreuves de la Maison de la photographie de Moscou : un ensemble de photomontages signés Rodtchenko, Stépanova, Lissitski... la jeune génération d’artistes soviétiques qui recherchaient dans le communisme une nouvelle forme d’expression avant d’y trouver une nouvelle forme de servitude.
En Russie comme en Europe, la technique du photomontage apparaît dès la Première Guerre mondiale. Cette boucherie épouvantable a amené des artistes et des théoriciens à œuvrer à un grand projet humaniste, solidaire, et fraternelle. Pour certains, il prendra la forme du communisme ; l’idée étant : ce n’est pas de plomb que se fera l’avenir d’une révolution mais d’idées et de rêves. Dès 1917, Lénine déclare la photographie comme un moyen de propagande dans un pays illettré à 70% et souhaite armer chaque soldat d’une caméra pour qu’il puisse rendre compte des avancées soviétiques. Mais la réalité offre peu d’images de l’avenir radieux... La propagande du régime va avoir recours au photomontage. Les œuvres étaient bien souvent reproduites en petits formats et distribuées en masse (comme plus tard en Chine populaire). Des artistes de renom se lancent dans l’aventure : Lissitski, Klucis, Stepanova, Rodtchenko. Ce dernier, très influencé par le cinéaste Dziga Vertov, déclarait utiliser le photomontage non pas pour représenter "une réalité statique" mais "pour indiquer les vecteurs de son changement". Et effectivement il y a de l’élan dans ces images, du mouvement, peut-être un peu trop pour les commissaires politiques. Dans un premier temps, les artistes adhèrent à la Révolution avant de se retrouver piégés par son dogmatisme qui fait de l’État leur seul partenaire financier et plus tard, par l’autoritarisme et la paranoïa de Staline (en 1938, Klucis pourtant communiste militant sera arrêté et fusillé).
Mais aujourd’hui comme hier, c’est aussi une esthétique singulière, vivante, volontariste qui a influencé le mouvement Dada ou les Futuristes. Ces images traduisent l’élan, la colossale énergie brisée par une poigne de fer qui encore en 1952, faisait distribuer cette carte de vœux glaçante : "Bonne année camarades", signé Joseph Staline.
Il est fortement conseillé d’aller voir l’exposition car le livre aussi beau soit-il ne reflète que partiellement l’inventivité du photomontage (effet de matière, relief, crayonné qui se substitue au papier). Par ailleurs, le Passage de Retz propose un montage de films de propagande très impressionnant notamment celui de la vision futuriste de Moscou. On peut juste regretter malgré une introduction essentielle d’Olga Sviblova (reprise en corps 2 dans l’ouvrage préparer vos loupes !), que les légendes soient un peu courtes pour identifier certains personnages ou le contexte de leur création.
Catalogue de l’exposition, 144 pages, quadrichromie, 30 €
Passage de Retz à Paris dans le cadre du mois de la photographie
L’exposition est prolongée jusqu’au 7 janvier 2007