La folie comme un road-movie
Le 28 juin 2006
Laurent Boulanger signe un premier long métrage intriguant et parvient à rendre l’esprit du roman d’Echenoz dont il est tiré.
- Réalisateur : Laurent Boulanger
- Acteurs : Denis Podalydès, Hippolyte Girardot, Natalia Dontcheva
- Genre : Thriller
- Nationalité : Français
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– Durée : 1h38mn
– Le site du film
Laurent Boulanger signe un premier long métrage intriguant et parvient à rendre l’esprit du roman d’Echenoz dont il est tiré.
L’argument : Au réveil, Victoire trouve le corps mort de son compagnon, Félix. Craignant d’être inquiétée, elle retire tout son argent de la banque et part dans une petite ville se faire oublier quelques temps.
Notre avis : Les plans très courts qui s’entrechoquent au tout début du film laissent présager d’une atmosphère étrange où les choses sont dites par bribes et dans un désordre de puzzle, jusqu’à recoller les bouts à l’attention du spectateur. On craint alors un peu le formel, l’esthétique trop léchée et tournée vers l’explicatif. Pourtant, dès la fuite de l’héroïne, c’est bien plutôt au temps qu’on a affaire, au temps étendu et sans repères, avec de longues plages, temporelles et balnéaires. Avec Victoire, on va se mettre à errer sans trop savoir où tout cela nous mènera. Le spectateur, rapidement, se laisse littéralement happer par ce qu’on lui raconte, ou alors par ce qu’on lui tait, comme il tournerait les pages d’un livre avec le sentiment qu’un secret est enfoui dans l’épaisseur du papier. Laurent Boulanger parvient à rendre en images l’impression produite lors de la lecture du roman de Jean Echenoz, notamment par l’utilisation d’une image froide et coupante, et d’un son atypique, quasi exempt de dialogues. Les mots présents-absents, le décor rendu lunaire par son dénuement ou sa géométrie (celle des arbres en bord de route par exemple) et pourtant très commun, semblent appropriés à rendre l’"étrangeté ordinaire" et le "cauchemar tranquille", que le réalisateur dit avoir cherché à transcrire.
La petite Victoire à qui Louis-Philippe a promis : "je serai toujours avec toi" se retrouve harcelée par lui. Est-ce par ce qu’elle croit trop aux mots et à leur existence que ceux-ci se matérialisent ?
Les mots semblent ainsi l’accompagner physiquement tout au long de son périple, tandis que le spectateur en est privé, lui, de mots. Pourtant tous deux vont partir de concert sur les routes de France, l’une avec ses mots qui lui collent aux basques, l’autre muet et inversement. Le temps d’un voyage dans la folie, qui ressemblerait à un road-movie plus utile qu’un an dans le Paris bobo inchangé, à une perte, ce qui "n’est pas forcément plus mal".
Un an pour devenir SDF ou fou ou plus riche... Que faire pendant un an ? Divaguer ? Sur les routes ou dans sa tête ? "J’aimerais rentrer", dit Victoire. Parle-t-elle d’un lieu, Paris, ou d’un état ? Toujours est-il qu’il lui faudra aller au bout du voyage. A travers son héroïne, Laurent Boulanger filme la décadence, physique et mentale. Mais son sujet est moins fermé qu’un "reportage" sur des SDF, plus vaste qu’il n’aurait été, traité dans le cadre stricte de la perte d’identité due à la perte d’emploi. C’est peut-être en cela que son film est le plus convaincant, car par-delà les frontières sociologiques que posent certains films "militants", il nous parle de l’humain en général, et évoque au détour d’un bois l’humain comme rejet de la société.
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