Déjà mort
Le 29 juin 2005
Pas de pardon ni de rédemption pour les coupables. Commettre une faute, c’est se condamner à jamais et rester du côté des exclus.
- Auteur : Mary McGarry Morris
- Editeur : Belfond
- Genre : Roman & fiction
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A travers la tentative de réinsertion d’un ex-taulard, Mary McGarry Morris relate l’impossibilité de retrouver sa place dans une société sans pitié. Ni mauvais pathos, ni misérabilisme. Tout n’est qu’affaire de circonstances...
Voilà le genre de roman que n’aurait certainement pas renié Steinbeck, tant le fantôme du géant américain semble planer par-dessus les personnages. Gordon Loomis est un grand gaillard plutôt timide, maladroit et réservé. Un héritier évident de George dans Des souris et des hommes, qui n’est pas accompagné par un ami d’(in)fortune mais par son frère. Gordon a passé vingt-cinq ans en prison après avoir assassiné une jeune fille enceinte. Ces vingt-cinq années ont transformé cet homme qui, en sortant, souhaite retrouver ses anciens repères et surtout ne pas faire parler de lui.
Durant son séjour derrière les barreaux, seule Delores a toujours été là pour lui. Une amie de longue date, une fille de bonne famille qui a toujours eu un faible pour Gordon. Elle va tenter de le rééduquer, de le remettre en confiance et de partager ce qu’il veut bien partager de son existence. Au grand dam de son frère, Gordon se réinstalle dans la maison familiale, désormais posée au cœur d’un quartier investi par les dealers et les gangs. Jada, une ado de treize ans dont la mère est toxico, va un peu par hasard se rapprocher de Gordon. Petit à petit, son quotidien prend forme et Gordon réalise qu’il est extrêmement compliqué de repartir avec ce passé qu’il traîne comme un boulet.
Ce récit oppresse, tant il semble se dérouler en vase clos, au cœur d’une ville en ruines. Le style de Mary McGarry Morris est d’une fluide simplicité, comparable à l’œil d’une caméra alternant les plans rapprochés et les visions d’ensemble. Ici, les pauvres restent pauvres, les camés sont malades et délinquants, les exclus n’ont plus leur place parmi les vivants. Mary McGarry Morris ne s’érige jamais en donneuse de leçons ou en moralisatrice, elle se contente de raconter une histoire simple et de décrire un pays qui, de plus en plus, appuie sur le crâne de ceux qui ont déjà la tête sous l’eau et d’une société qui ne laisse aucune place aux faibles. Et ils sont nombreux au bord de la route, avec les yeux secs et le cœur définitivement fermé.
Mary McGarry Morris, Un abri en ce monde (A hole in the universe, traduit de l’américain par Annick Le Goyat), Belfond, 2005, 451 pages, 21 €
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