La conscience dans la peau
Le 1er octobre 2014
Tuer un homme, si facile à dire et si difficile à faire : une talentueuse démonstration par Alejandro Fernández Almendras dans son dernier film, Grand Prix du Jury au Sundance Film Festival 2014 et prix de la presse au festival de Rotterdam 2014.


- Réalisateur : Alejandro Fernández Almendras
- Acteurs : Alejandra Yáñez, Daniel Candia
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Chilien
- Durée : 1h24mn
- Titre original : Matar a un hombre
- Date de sortie : 1er octobre 2014

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Tuer un homme, si facile à dire et si difficile à faire : une talentueuse démonstration par Alejandro Fernández Almendras dans son dernier film, Grand Prix du Jury au Sundance Film Festival 2014 et prix de la presse au festival de Rotterdam 2014.
L’argument : Jorge est un homme honnête qui travaille dur pour faire vivre sa famille. Une nuit, il se fait insulter par une bande de jeunes gens, menée par un ancien délinquant du quartier. Son fils se fait à son tour agresser. La crainte et l’angoisse envahissent peu à peu la famille dont le quotidien devient infernal.
©Arizona Films
Notre avis : Une silhouette trapue marchant au loin, à pas lents, parmi les arbres d’une forêt. Le film annonce d’emblée la couleur, et plus précisément les nuances de teintes chaudes qui accompagnent le personnage de Jorge, interprété par Daniel Candia, père de famille travailleur et sans reproches, dans sa descente aux enfers. Le titre du film, Tuer un homme, résume parfaitement un scénario à la ligne directrice simple mais bien loin d’être simpliste : un homme est poussé à bout par un autre, qui agresse sans scrupules ni raison les membres d’une famille sans histoires. Face à une justice incapable de punir l’agresseur, Jorge fait un choix, celui de tuer. Les menaces de meurtres sont monnaie courante dans l’univers du film, mais le réalisateur, Alejandro Fernández Almendras, met un point d’honneur à exprimer la difficulté du passage à l’acte. Ainsi, le scénario pourrait n’être que l’histoire d’une vengeance si le spectateur n’était témoin du cheminement moral du personnage principal ; par-delà la satisfaction de persécuter son bourreau se trouve le fardeau de la culpabilité. Et l’homme devint le bourreau de lui-même.
©Arizona Films
Tuer un homme est un film de genre qui brouille discrètement les pistes : un thriller qui laisse le suspense de côté et dont l’enjeu prend toute sa dimension après le meurtre annoncé dans le titre ; un drame montrant un homme ordinaire dépossédé de ce quotidien qui le rend précisément si ordinaire. Ce film est la tragédie d’un homme qui se voit devenir un autre malgré lui. Les partis pris visuels du film, tels que l’image légèrement désaturée, participent à la création de l’atmosphère, de plus en plus lourde et étouffante, dans laquelle évoluent les personnages. Très souvent cantonnés au tiers inférieur du cadre, Jorge et sa famille semblent pris au piège par une fatalité contre laquelle ils ne peuvent lutter. Aussi, la musique vient ponctuellement amener le spectateur à percevoir les appréhensions du personnage principal et la sobriété de la mise en scène accentue l’aspect réaliste du récit. Il serait à regretter que cette même mise en scène ne permette pas au spectateur d’avoir un plus grand aperçu des personnages secondaires, qui peuvent par moment sembler bien lointains - et, volontairement, de plus en plus étrangers aux préoccupations de Jorge. Se confrontant à la forêt et à la mer, ce dernier se retrouve en effet seul pour affronter le poids de sa conscience et la nature, par son immensité, fait écho au drame vécu par le personnage.
Sombre et d’une habile sobriété, l’œuvre d’Almendras dépasse les cadres du thriller pour s’affirmer comme un voyage tortueux au cœur de la conscience humaine.