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Le 24 octobre 2005


Weyergans nous revient - enfin -, en très grande forme, avec le making of du roman impossible à écrire.
Weyergans nous revient - enfin -, en très grande forme, avec le making of du roman impossible à écrire.
La saint Glin-Glin est enfin arrivée avec son cadeau de saison qu’on n’espérait plus : le Weyergans nouveau. Disons-le d’entrée de jeu, ça valait le coup de patienter - huit ans depuis la parution de Franz et François, le livre du père. De quoi est-il question dans ce roman ? Eh bien, justement, des affres de Weyergans ne réussissant pas à pondre son bouquin, tournant autour du pot, se trouvant mille excuses, développant mille projets annexes qui eux non plus n’aboutiront jamais. Le roi de la procrastination met en scène son double, Weyergraf, qui a un double, Graffenberg, qui a un double, Weyerstein, qui a un double, Weyerbite, car, sous ses multiples avatars emboîtés comme des poupées russes, l’obsession sexuelle de François le dispute à son obsession textuelle.
Le futur de notre homme de lettres perturbé, multiple et identique, ressemble à un conditionnel dont les conditions ne seraient jamais remplies. Des projets, il en a à la pelle, qu’il s’agisse d’écrire ce fameux roman qui le sauverait financièrement parlant, un livre sur les volcans, un autre qu’il intitulerait Coucheries... ou d’aller passer trois jours chez sa mère. Au lieu de ça, il cause de tout et de rien, il digresse - toujours l’esquive - dans un enchaînement virtuose, un montage habile et fluide fait de réminiscences, de bavardages cultivés, de recettes de cuisine, etc. Au détour de ses associations de pensées, il nous fait rencontrer des personnages tendrement ou malicieusement portraiturés et nous balance même tout à coup, page 161, en plein milieu de ses éblouissants apartés, neurasthéniques flashbacks et autres hypocondriaques considérations, un début de roman, avec sa page de garde et son titre, Trois jours chez ma mère, qui lui-même contient un début de roman, le tout évidemment se terminant en eau de boudin, page 234... pour un retour à la réalité (admettons !) et aux trois jours qu’il passera enfin chez sa mère : une chute dans tous les sens du terme que nous nous garderons bien de dévoiler.
On le sait depuis longtemps, Weyergans est le maître de l’autobiographie détournée. Dans ce sens, son making of du roman d’un graphomane en panne, roman gigogne, roman des masques, est une vraie réussite. D’autant que s’y ajoutent - bénéfice de l’âge - des ingrédients inédits : un brin de mélancolie, une once de tendresse qui font flotter sur son cocktail une émotion bien tempérée, équilibrée par un impeccable humour à froid. Pudeur et sentiments, ironie et distanciation. Réjouissant esprit d’escalier. Écriture sans fioritures, allant à l’essentiel. Disons-le comme on le pense, Trois jours chez ma mère ferait un très séduisant Goncourt alternatif.
P.S. Article mis en ligne le 24 octobre 2005, vœu exaucé le 3 novembre.
François Weyergans, Trois jours chez ma mère, Grasset, 2005, 262 pages, 17,50 €