Le 23 juin 2018
Objet étrange, ce film ambitieux et complexe combine beautés et incongruités en un mélange inégal.
- Réalisateur : Maxime Martino
- Acteurs : Hector Spivak, Juan Pablo Mino, Frédérique Monblanc
- Genre : Aventures
- Nationalité : Français
- Distributeur : Vendredi Distribution
- Durée : 1h15mn
- Date de sortie : 4 juillet 2018
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Résumé : Les Trois contes de Borges adaptent, dans leur langue originale, trois textes du célèbre écrivain argentin Jorge Luis Borges : El otro, El disco et El libro de arena. Trois récits fantastiques où se monnaient les objets de l’éternité qui, à portée de main, mettent en péril nos rapports au temps, à l’image, au langage.
Notre avis : Ce court film est un essai, une tentative de réflexion sur l’art et le monde à partir de textes de Borges, mais pas seulement eux : les trois contes, parmi les plus célèbres de leur auteur, y figurent bien, étendus à d’autres sources, et d’autres écrivains : Lautréamont, Dante, Pessoa, Joyce … Devant tant de références, le vertige saisit le spectateur, vertige qui correspond à celui suscité par les trois histoires étranges. Cela ne va pas sans coquetteries et afféteries (les « spectres » déclamant leurs textes, raides comme la justice), ni naïvetés (« qu’est-ce que le langage ? »), et certains passages paraissent bien théoriques : ainsi du deuxième conte, raconté en images muettes, puis en un monologue stoïque. On a beau saisir l’intention, ou supposer la saisir, le film en sort désincarné, froid et hiératique. La volonté de donner à réfléchir tourne parfois au bavardage érudit qui se noie et nous noie sous une avalanche à la limite du prétentieux.
- Copyright Vendredi Distribution
Et pourtant, outre la beauté et la singularité des textes (quelle merveille que ces rencontres improbables qui plongent dans un surnaturel indicible, d’où la gageure que constitue leur mise en images), Trois contes de Borges est un film infiniment soigné, qui convoque l’art du paysage et celui de la nature morte, le cinéma et la musique, dans une approche presque abstraite ; ainsi ne verrons-nous aucune image du film projeté, ainsi le passage musical est-il déconnecté de la narration, collage « pur » et somme toute arbitraire. Si les éclairages sont somptueux, on retient surtout des séquences habiles , comme cette femme qui lit Joyce en allumant peu à peu toutes les lampes de la pièce où elle se trouve. Mais c’est dans le quotidien le plus sobre que le film touche : une main dans la rivière, une autre qui s’approche d’une vitre, une série de plans fixes sur un intérieur. À leur manière, ces brefs passages manifestent le concret du fantastique borgesien.
On se serait alors bien passé de la présence d’un micro, d’une caméra ou du décor : de telles déconstructions modernes plombent le métrage et paraissent bien artificielles.
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Surtout, il y a les trouvailles de Borges : la rencontre avec lui-même jeune, avec un « roi » qui possède un disque à une face, avec un marchand de bibles et son livre infini sont autant de bonheurs qui ne cessent d’interroger sur leur sens et de susciter notre curiosité ; sagement, Maxime Martinot, dont c’est le premier film, ne donne pas à voir le disque, pas plus d’ailleurs qu’il ne montre les conclusions, qui en restent au récit.
Austère, presque bressonien (la hache du bûcheron fait penser à la fin de L’argent), Trois contes de Borges n’est pas une œuvre facile : la distanciation (on avait rêvé d’un Borges plus facétieux) peut fasciner autant qu’elle irrite par moments. Au moins peut-on reconnaître au cinéaste une ambition peu commune et un goût certain de l’image.
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