Le 8 mai 2016
En revenant sur la tragique affaire Ilan Halimi, Richard Berry radioscopie tout un pan de la France actuelle où la bêtise crasse côtoie une monstruosité ordinaire. Un récit détaché et oppressant mais ô combien nécessaire.
- Réalisateur : Richard Berry
- Acteurs : Richard Berry, Marc Ruchmann, Steve Achiepo
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Durée : 1h51mn
- Date télé : 25 mars 2017 21:00
- Chaîne : Canal +
- Date de sortie : 11 mai 2016
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En revenant sur la tragique affaire Ilan Halimi, Richard Berry radioscopie tout un pan de la France actuelle où la bêtise crasse côtoie une monstruosité ordinaire. Un récit détaché et oppressant mais ô combien nécessaire.
L’argument : Des portes explosent, les policiers casqués, armés font irruption de nuit dans des appartements, cris, coups : défilent à l’écran les visages des interpellés, des beurs, des blacks, des blancs, tous ont moins de vingt ans. Ceux que la presse appellera les « barbares ». On est en février 2006. La police, quelques heures plus tôt a trouvé le corps moribond d’Ilan Halimi sur le bord d’une route à Ste Geneviève des Bois, nu, séquestré, brûlé à 80%. Kidnappé, il a été séquestré pendant 24 jours. Il était juif, et donc supposé avoir de l’argent. Par flash-back, le film déroule alors le fil des événements depuis le kidnapping. Courses poursuites entrecoupées de scènes où on assiste au calvaire de la victime. Moderne danse macabre qui en dit long sur « la marche » de nos sociétés.
(C) Légende Distribution
Notre avis : Evitant l’écueil sentimentaliste dans lequel s’était fourvoyé Alexandre Arcady avec 24 jours, le réalisateur opte pour un ton froid et chirurgical. S’inspirant largement du roman éponyme de Morgan Sportés, il s’attache plus à décortiquer la personnalité de chacun des intervenants, dominée par l’inculture et la stupidité qu’à relater cette affaire criminelle devenue affaire d’état.
A mi-chemin entre le reportage journalistique et le documentaire, les interrogatoires filmés en noir et blanc sous forme de retours en arrière, ponctuent les différentes étapes de la prise d’otage mais permettent surtout d’assister à la montée croissante et inexorable de la bêtise de ces jeunes décervelés rongés par une pauvreté intellectuelle difficilement concevable. L’un d’eux avoue sans aucune gêne que sa participation à ce meurtre aura l’avantage de lui apporter l’argent nécessaire pour payer ses amendes à la RATP, l’autre se réjouit de pouvoir partir en vacances. Ils sont confortablement installés dans la société de consommation du « tout tout de suite », celle qui autorise à s’offrir ce dont on rêve par tous les moyens, y compris celui du sacrifice d’une vie. Choisir de démontrer, que l’horreur est bien plus forte lorsqu’on l’affronte de plein fouet que lorsqu’on la traite de manière sentimentale est l’un des angles les plus astucieux pour nous imprégner de cette tragédie. Car ici pas d’émotion, pas de jugement, rien que des faits bruts.
(C) Légende Distribution
Si la violence est réelle et si rien ne nous est épargné du calvaire d’Ilan, les scènes de torture, si elles ont été tournées, ont été soustraites aux yeux du public. Pari risqué mais finalement bienvenu car c’est le seul moyen de créer auprès des spectateurs atterrés par un tel martyre une empathie pour la victime face à des oppresseurs qui en sont totalement privés. Pour bien nous imprégner de cet ahurissant amalgame de violence et de lâcheté, Richard Berry a fait appel à de jeunes talents inconnus plus vrais que nature, brillamment « drivés »par l’interprétation éblouissante de Steve Achiepo, plus que crédible dans la peau de ce chef de bande machiavélique et charismatique aux propos et aux actes monstrueux.
(C) Légende Distribution
Juste dommage que cette immersion dans une réalité crue soit freinée par des scènes immuablement répétitives (il est particulièrement pesant d’ assister aux multiples appels téléphoniques passés entre le kidnappeur et la police ou le père de la victime qui n’aboutissent à rien, la mauvaise interprétation des services policiers quant à la teneur des événements étant avérée dès le début). Pendant que le cinéaste s’applique à nous déplier avec une lente, trop lente patience les différents actes de cette tragédie dont nous connaissons la fin, l’intérêt s’émousse. Ce qui ne nous empêchera pas de saluer le choix de ce point de vue qui, bien au-delà de l’antisémitisme déclaré, nous interroge sans concession sur les dérives engendrées par notre mode de vie contemporain.
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