Le 17 mai 2018

- Genre : Cinéma
Un essai stimulant qui cherche et trouve souvent une cohérence dans deux filmographies très dissemblables.
Notre avis : Mis à part les quelques pages initiales, Marc Moquin ne s’embarrasse que très peu de biographie : ce qui l’intéresse, c’est l’œuvre, celle de Ridley et Tony Scott, allant sans cesse de l’une à l’autre en des rapprochements très fructueux. Ce n’était pourtant pas gagné, vu la réputation du grand frère, dont l’auteur a la sagesse de ne pas glorifier certains titres. Qu’on ne s’attende pas pourtant à un essai critique constituant une sorte de partage entre les titres dignes du panthéon et les autres : l’ambition est de trouver une unité, essentiellement thématique, en circulant librement entre des films visiblement connus sur le bout des doigts (même l’obscur Loving memory y figure), avec une prédilection pour quelques métrages majeurs (dont, et cela ne peut que nous ravir, Blade runner). Cohérence donc, que Marc Moquin va chercher aussi bien dans les bribes que dans les ensembles, dans la musique que dans la peinture, avec une érudition sans failles. Si certaines influences étaient connues, celle de Kubrick par exemple, d’autres jettent des lumières nouvelles, voire intriguent à l’image de Ozymandias de Percy Shelley, et donnent envie d’y voir de plus près.
Cette érudition dans différents domaines artistiques ne sclérose pas la réflexion ; ainsi est-on stimulé par de grands thèmes (la morale, l’histoire, la société du spectacle, le pessimisme de Ridley / l’optimisme de Tony) aussi bien que par des détails (le goût des tempêtes entre cent exemples). Marc Moquin emprunte autant à la politique des auteurs qu’aux cultural et gender studies, étudie de près certaines séquences choisies avec soin, fait des rapprochements audacieux (le travelling de Les sentiers de la gloire, une réplique de Lawrence d’Arabie) et au bout du compte cette ébouriffante traversée devient une traversée des apparences : derrière des films très dissemblables, l’auteur parvient de manière convaincante à tisser des liens, souvent subtils, qui donnent une idée d’ensemble d’une œuvre très inégale. Un épilogue sensible conclut ce livre qui se lit aisément, notamment grâce à l’absence de jargon et un style plaisant, avec parfois le goût jouissif de la formule ramassée (« Top gun et Jours de tonnerre constituent un diptyque sur la pulsion de mort au sein d’une Amérique de la fin des années 80 »). Certes, on ne sera pas toujours d’accord (la place accordée à Revenge...), on regrettera l’absence d’une filmographie complète (et même deux coquilles), mais ce ne sont que des vétilles par rapport à l’intérêt d’un essai aussi pertinent.
Broché : 160 pages
Éditeur : Playlist Society (23 mai 2018)
Collection : Essai / cinéma
Dimensions : 18,3 x 1,1 x 14 cm