Le 29 juillet 2017
Un premier film surréaliste, hanté par le traumatisme de la guerre civile au Liban.
- Réalisateur : Wissam Charaf
- Acteurs : Raed Yassin, Rodrigue Slemane, Saïd Serhan
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Libanais
- Distributeur : Épicentre Films
- Durée : 1h10 mn
- Date de sortie : 15 mars 2017
- Festival : Festival de Cannes 2016
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Après 20 ans de séparation, Samir, ancien milicien présumé mort, réapparaît dans la vie d’Omar, son petit frère devenu garde du corps à Beyrouth. Entre drame et comédie, Samir doit se confronter à un pays qui ne lui appartient plus.
Notre avis : Samir est-il mort ? En tout cas, s’il est vivant, il a traversé un enfer qui ne l’a pas complètement ramené à la vie, bien qu’il boive, danse et regarde les jolies filles. D’où sort ce moribond, que des noirs hissent sur la plateforme d’un pick-up ? Rapidement, on le saura : c’est un survivant de la terrible guerre civile au Liban, dont les stigmates ne seront jamais évoqués de manière emphatique, plutôt transfigurés, souvent par le truchement de scènes loufoques. Si le film reconfigure d’une certaine manière le duo de l’auguste et du clown blanc, il dépasse ce simple attelage, par une constante inventivité burlesque. Wissam Charaf connaît ses classiques : les gags millimétrés doivent beaucoup à Keaton et Tati. On pense en particulier aux postures synchrones des gardes du corps, s’exerçant à bricoler leur arme, ou à l’impeccable géométrie avec laquelle le corps de Samir tombe sur le canapé. Finalement, c’est sans doute lui qui se porte le mieux et les autres lui font payer le prix d’être aussi vivant, en particulier son frère Omar. Ce dernier ne l’accueille pas avec la plus accorte des manières, puisqu’il l’agresse d’abord physiquement, avant de la ramener chez lui, contraint par la violence qu’il lui a infligée et l’a laissé par terre.
Samir illustre le destin de tous ceux qui ont traversé l’enfer et tendent à la société le terrible miroir dans lequel elle refuse de se regarder. De cet argument, Charaf a le bon goût de ne pas tirer une œuvre pathétique, d’autres l’ont déjà fait avant lui, parfois avec talent. Il n’empêche que la charge symbolique demeure présente, sans lourdeur particulière, puisque le film va jusqu’au bout d’une logique qui consiste à décomposer les symptômes d’une pathologie généralisée en situations paroxystiques : si l’impatience d’Omar se décline en envie de tuer son voisin, le cinéaste le prendra au mot et pas qu’un peu. On ne dévoilera pas la manière dont le fâcheux sera littéralement "liquidé", mais on remarquera que la placidité avec laquelle la vengeance s’accomplit se réfère à une certaine désinvolture tarantinienne.
Le film ménage tout de même des effets de rupture, qui l’orientent vers de plus sombres chemins : traumatisé par une agression, tandis qu’il tentait de protéger une politicienne, Omar vit une situation similaire à ceux que la guerre a sacrifiés. Son impressionnant mutisme leste une bonne moitié du film, obligeant son frère à des contorsions diverses, pour dissiper le malaise, mais surtout à assumer une solitude qui, de toute façon, aura été son inséparable compagne.
Servi par des comédiens convaincants, ce joli premier film parvient à se frayer un chemin original entre drame et comédie.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.