Le 25 février 2025
Ce premier long métrage décrit avec acuité le drame des migrants dans une approche audacieuse qui refuse le pathos et les concessions.


- Réalisateur : Mihai Mincan
- Acteurs : Soliman Cruz, Niko Becker, Bart Guingona, Alexandre Nguyen, Olivier Ho Hio Hen
- Genre : Drame, Drame maritime
- Nationalité : Français, Roumain, Grec, Tchèque, Bulgare
- Distributeur : Destiny Films
- Durée : 2h02mn
- Date de sortie : 26 février 2025
- Festival : Festival de Venise 2022

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– Année de production : 2022
Résumé : 1996, Atlantique Nord. Deux jeunes clandestins embarquent à bord d’un porte-conteneur à destination du Canada. Les membres de l’équipage philippins découvrent l’un d’eux, un Roumain. Si les officiers taïwanais le repèrent, il risque d’être jeté à la mer, comme cela fut le cas pour son camarade. Les marins philippins décident alors de le cacher dans les entrailles du bateau…
Critique : Diplômé en philosophie orienté vers le journalisme, Mihai Mincan a réalisé des courts métrages et des documentaires. To the North est son premier long métrage de fiction. Il a obtenu le Prix de la Critique Indépendante, Bisato d’Oro, pour le Meilleur Film, décerné toutes sections confondues au Festival de Venise 2022, où il avait été présenté dans la section Orizzonti. Il a fallu attendre plus de deux ans pour que cette œuvre singulière connaisse une sortie en salles grâce au distributeur Destiny. Cette coproduction entre plusieurs pays, dont la Roumanie, les Philippines et la France, n’est pas sans qualités et propose un bien singulier huis clos. Nous ne quittons quasiment jamais le décor du navire dans lequel se noue un drame humain saisissant, sur fond de faux-semblants et d’ambiguïtés (morales et d’intentions) des protagonistes. Dans le dossier de presse, le cinéaste déclare à propos de cette unité de lieu choisie : « Habituellement, dans beaucoup de films, du moins à peu près ces vingt dernières années, il n’est pas nécessaire de voir les personnages se rendre d’un endroit à un autre. Ce que l’on voit, c’est seulement leur entrée dans un lieu, ou déjà présents, dans l’action. Ce qui m’a beaucoup intéressé, et c’est directement lié à ce lieu de tournage, c’était justement le trajet des personnages d’un endroit à l’autre. Il me semblait que dans ce cas-là, puisqu’ils sont emprisonnés, presque impuissants, la façon dont ils se déplacent entre les espaces du navire est tout aussi important que les actions qu’ils s’apprêtent à y faire ».
- © deFilm / Remora Films. Tous droits réservés.
Si le récit démarre par les mésaventures de deux jeunes hommes clandestinement embarqués pour le continent américain, il ne cherche pas à cocher les cases du scénario politiquement correct et à thèse qui est celui de nombreux longs métrages ayant abordé ce thème, parfois avec pathos et emphase, à l’instar de Moi capitaine de Matteo Garrone. Il ne s’agit pas non plus à proprement parler d’un thriller à rebondissements en mode marin, comme avait pu l’être Le bateau phare de Skolimowski. To the North est basé sur des rapports complexes concernant plusieurs hommes de nationalités différentes, entre solidarité et animosité, compassion et haine. Mais si « chacun a ses raisons » comme disait Renoir, les personnages ne sont pas enfermés dans un dispositif manichéen, salauds d’un côté, victimes de l’autre, chacun ayant droit à sa part de zone d’ombre.
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On appréciera à cet égard les relations équivoques, sur fond de religion, entre l’employé de bord philippin (Soliman Cruz) et le jeune clandestin Dumitru, interprété avec conviction par Niko (Nikolaï) Becker. Séduisant visuellement, In the North bénéficie également du remarquable travail sonore du sound designer Nicolas Becker (collaborateur de Villeneuve et d’Andrea Arnold) et du mixage de Cyril Holtz qui passe avec aisance du grand spectacle tous publics (Les trois mousquetaires) au film d’auteur international. D’aucuns regretteront une noirceur ambiante et une distanciation qui rendent parfois certaines séquences un brin pesantes mais l’ensemble, d’une belle harmonie et sans concessions, est recommandable.