La caméra au septième ciel
Le 3 août 2014
A l’heure où le Raid 2 de Gareth Evans écope du superlatif de "meilleur film d’action de tous les temps", un petit retour sur une date du cinéma d’action s’impose : Time and Tide, ou l’histoire d’un superbe bras d’honneur à la machinerie des actionners lambda hollywoodiens.
- Réalisateur : Tsui Hark
- Acteurs : Jack Kao, Nicholas Tse, Anthony Wong Chau-Sang, Wu Bai
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Action
- Nationalité : Chinois
- Durée : 1h53mn
- Box-office : 117 016 entrées France / 35 669 entrées Paris Périphérie
- Titre original : Seunlau ngaklau
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 12 décembre 2001
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Trois ans après son Piège à Hong Kong américain, Tsui Hark revient sur ses terres ranimé par un coup de génie : dilapider l’argent de l’Oncle Sam dans un tube à essais expérimental.
L’argument : A Hong Kong, la brève rencontre entre Tyler, un jeune homme habitué aux dangers de la rue, et Jo, une femme policier infiltrée, ne sera pas sans conséquence : celle-ci tombe enceinte. Afin de gagner de l’argent rapidement, Tyler devient garde du corps. Au service de Hong, le chef d’une puissante triade, il s’associe avec Jack, un ancien mercenaire décidé à entamer une nouvelle vie avec Hui, la fille de Hong, qu’il vient d’épouser et qui attend un enfant de lui. Ensemble, Tyler et Jack parviennent à déjouer une tentative d’assassinat dirigée contre leur employeur, mais leur collaboration va être de courte durée. De complots en guets-apens, d’intérêts opposés en trahisons, ils vont se retrouver opposés et entraînés vers une confrontation mortelle.
© 2001 Columbia TriStar. Tous droits réservés.
Notre avis : Dans sa critique de Mission Impossible II, Rafik Djoumi souligne que la caméra de John Woo n’a jamais été "aussi aérienne". Nous sommes dans les années 2000, et Woo et son compatriote Tsui Hark vont effectivement marquer le cinéma d’action du début de siècle, chinois et américain, d’une touche métaphysique dépassant largement le cadre des problématiques mystico-religieuses. Du cinéma de genre, certes, auquel s’ajoute une problématique sur le genre humain véhiculée par une mise en image élémentaire s’élevant… au sens littéral du terme. Dans Time and Tide, pas de plans extraordinairement longs visant le réalisme des coups portés. Le découpage et le morcellement sont ici les maîtres mots. Le montage millimétré de Marco Mak reste le traducteur et le vecteur de la virtuosité du maître d’œuvre : une caméra ardente, omniprésente, mais à mille lieux de la vacuité d’autres excités de l’objectif contemporains que nous ne citerons pas ici.
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Et c’est bien lors du tournage de Piège à Hong Kong que Hark a pu utiliser ses moyens faramineux pour tester des placements de caméra complètement fous : l’intérieur d’une Basket se désagrégeant pendant une course à pied ! Les Cahiers du Cinéma iront jusqu’à évoquer "La contrefaçon" comme "alibi scénaristique de ce film". Car en dépit de quelques faiblesses du déplacement liées aux moyens inférieurs de la production, la mise en image de Time and Tide va trouver la justification de son hystérie créative au sein de l’essence même du médium. Les décadrages abstraits conservés au montage sont légion et présents autant dans une scène de fusillade, de combat "mano a mano", que dans une conversation entre le protagoniste et le propriétaire de son amante.
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Ce qui est prégnant dans le métrage, c’est effectivement le placement de sa machinerie autant dans l’incandescence d’une explosion que dans les nuages. Par des plans de coupe cadencés et abstraits du ciel, le maestro affirme autant son attachement à filmer les êtres et leur monde que leurs interactions avec ce dernier. La citation en voix off de l’introduction énonce clairement l’ambition d’un McGuffin bannissant nommément toute trame scénaristique standard. On pense bien évidemment au complexe Seven Swords, où certaines actions ne seront explicitées que par de multiples visions. Le moment où Hark prend le relais de ses scénaristes est palpable dès l’annonce biblique "Le 6ème jour, Dieu créa l’Homme à son image. Le 7ème, Il le regretta déjà". Cette référence à la Génèse est finalement une belle allégorie de celle du film. Si certains des actes d’humains peuplant ce microcosme parcouru par une caméra sans frontière sont incompréhensibles, leurs achèvements, eux, ouvrent le champ à un tumulte permanent tangible. C’est déterminément ici que se joue l’élévation du spectacle : du cataclysme visuel ambiant naît cette idée que le renouvellement perpétuel est mitigé. L’accouchement final représente-t-il, comme l’énonce le narrateur, un miracle d’optimisme ou l’annonce de la régénération des exactions précédemment vécues, mais cette fois par une nouvelle âme ? Si l’on considère que dans Time And Tide, la fuite provisoire des protagonistes n’a lieu qu’au profit de l’immobilisation de leurs homologues (la tentative d’assassinat, le filin accroché aux chevilles dans les escaliers, la mise à mort du sniper de l’unité spéciale, l’impossibilité du voyage pour Tyler etc.) on a une idée de la complexité de cet univers où le mouvement est roi… la fuite définitive illusoire.
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