Citizen Tiger
Le 20 avril 2020
Si cette série documentaire est autant malsaine qu’addictive à souhait, c’est parce qu’elle nous plonge dans la triste réalité d’une certaine Amérique profonde qui dépasse tous les délires de la télé-réalité. Fascinant. Hélas.
- Réalisateurs : Rebecca Chaiklin - Eric Goode
- Acteurs : Joe Exotic, Carole Baskin
- Nationalité : Américain
- : Netflix
- Durée : 7 épisodes de 41 à 49 minutes + After Show de 40 minutes
- VOD : NETFLIX
- Titre original : Tiger King
- Date de sortie : 20 mars 2020
- Plus d'informations : Tiger King
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Résumé : Un propriétaire de zoo qui pète les plombs et des protagonistes trippants peuplent cette histoire vraie dans l’univers interlope de l’élevage des fauves.
Notre avis :. Si à la rédaction, comme tout le monde, nous sommes confinés, ce n’est pas pour autant que nous vivons dans une grotte. Et nous savons que la série documentaire Tiger King, Au Royaume des Fauves, en français, fascine toute l’Amérique depuis un mois : dix jours après sa mise en ligne, elle a déjà explosé les compteurs, plus que la saison 2 de Stranger Things, avec 34 millions de spectateurs. Et nous ne nous étendrons pas sur l’avalanche de messages sur les réseaux sociaux. Cela dit, c’est peu surprenant, car ce Tiger King est loin d’être un illustre inconnu outre-Atlantique. En revanche, en France, sans trop prendre de risque, nous pensons que sa notoriété, avant la sortie de ce doc, devait être proche de zéro.
Bref, nous avons vu Tiger King, et n’ayons pas peur des mots : c’est le truc le plus barré que nous ayons découvert depuis des lustres, « la série bien WTF », comme on dit si élégamment sur les réseaux sociaux. Si, par chance, vous êtes encore totalement vierge sur ce phénomène et que, concomitamment, grâce à votre site favori aVoir-aLire.com, pour ne pas le citer, vous en entendez parler pour la première fois, quelques remarques préliminaires :
a) N’allez surtout pas sur Google, ni Wikipedia, et encore moins les réseaux sociaux ;
b) Ne regardez pas la bande-annonce, elle spoile déjà trop à notre goût ;
c) Enfin, vous pouvez continuer à lire cet article, vous n’en saurez pas plus, tout du moins sur les rebondissements qui vous attendent, car, on vous assure, cela dépasse tout ce qui est répertorié à ce jour !
Comme il faut commencer par quelque chose, nous avons pris soin de revoir les toutes premières minutes que nous vous résumons, histoire de vous donner l’ébauche du commencement de l’esquisse de l’engrenage qui risque de vous happer.
- Copyright Netflix
Tou Doum ! Ouverture sur un homme au visage buriné coiffé d’un Steston qui allume une cigarette, face caméra, et se demande par où commencer, vu que c’est une histoire de fous. On pense au cow-boy du bowling dans The Big Lebowski, avec ambiance Coen et Amérique profonde, en perspective. Suivent quelques plans de coupe, dont un qui montre un type se promenant en décapotable avec un lion, pas un lionceau, non, non, un vrai lion ! Un nouveau témoin, toujours face caméra, explique alors que les amateurs de félins sont « dingues ». Sauf que le gars est chez lui, peaux de bêtes et tête de rhinocéros aux murs, casquette de baseball vissée sur la tête… et amputé des deux jambes. Sur des prothèses peintes, en guise de motif, la tête du charmant clown de Ça. Ok. Suivent d’autres citations de témoins assez fumeuses, pour arriver au cœur du sujet : ce fameux « Tiger King », un dénommé Joe Exotic. Depuis la prison du comté de Grady dans l’Oklahoma, où il est incarcéré, il nous explique au téléphone qu’on va lui coller soixante-dix neuf ans de prison, « qu’il a travaillé tous les jours, prêt à crever, dans une cage de tigre, mourir ne lui fait pas peur. Pas du tout ». Mazette ! C’est parti, générique que précèdent quelques images de Joe et de son look très spécial. La cinquantaine, casquette sur visage bronzé, moustache et coupe mulet, tour des yeux fait au crayon, piercings aux oreilles. Le cou et les bras couverts de tatouages, Joe porte une ceinture avec un colt, marche avec une orthèse au genou et des béquilles, mais tout cela ne l’empêche pas de faire joujou avec ses tigres. Non seulement les Coen n’auraient pas osé, mais pour la suite, nous vous assurons que même Tarantino, pourtant génial inventeur de personnages hautement perchés, n’y aurait pas pensé !
- Copyright Netflix
Le coup de fil que nous écoutons date de 2019. Après le générique et quelques rapides extraits mystérieux sur ce qui nous attend, nous avons droit à un carton « 5 ans plus tôt ». Le documentaire démarre selon une construction classique, mêlant vieilles images et témoins parlant de Joe. Ça aurait presque un petit côté Citizen Kane, bien que Joe ne soit a priori pas mort et ait encore moins dit « Rosebud », mais on sent que ce puzzle qui s’assemble va nous conduire forcément à une surprise, sur le pourquoi du comment des quatre-vingt piges de cabane qui lui pendent au nez.
Sauf qu’un double malaise s’installe. Plus on avance dans le récit, plus on plonge dans des situations délirantes (confirmation, au passage, que même sous coke plus LSD et cuite au Jack Daniel’s, ni les frères Coen, ni Tarantino auraient pu pondre un tel imbroglio) ; et un malaise, assez malsain, germe du fait qu’on en redemande. Et si on en redemande, c’est parce que la réalisation est parfaite, tant dans le montage, la façon d’amener les rebondissements, que dans la qualité de l’image. La qualité de l’image ? Ah oui, curieux ? Entre deux épisodes et une pause pipi, un léger doute nous envahit : comment ont-ils tourné toutes ces images datant de cinq ans, voire plus ? Et si tout ce bazar était un fake ? Une sinistre parodie de télé-réalité poussée au taquet ? Un concept encore plus fumeux que le vrai-faux documentaire de Rob Reiner, This is Spinal Tap (1984), sur un groupe de rock pendant une tournée catastrophique, avec archives et concerts filmés en live ? Tout le monde avait tellement marché dans ce délire, que le faux-vrai groupe avait dû faire une vraie tournée et même jouer au Freddie Mercury Tribute à Londres, en 1992 ! Sauf que non, tout est bel et bien vrai dans la « vie de dingue » de Joe Exotic.
Alors oui, nous vous conseillons de regarder cet hypnotique documentaire. Tiger King fait rire et horrifie à la fois ; il fascine et à la fin de son visionnage on espère que cette affaire est bel et bien close. Tout ce cirque vertigineux, nous éclaire sur la réalité d’une partie des États-Unis, loin des New York, Los Angeles, Washington et autres Silicon Valley, mais dans ces obscurs comtés qui vivent littéralement dans un autre espace-temps, et où les fameuses et chères libertés d’expression et d’entreprendre américaines conduisent à tout et n’importe quoi, aux excès les plus stupides et crétins.
- Copyright Netflix
Hélas, les Américains étant de grands enfants, comme on aime à le dire, Netflix n’a pas loupé le coche. Surfant sur l’incroyable succès de son documentaire, la plateforme a produit à l’arrache, en plein confinement, et mis en ligne le 12 avril, un « after show » de 40 minutes, simple série d’entretiens par webcam avec différents protagonistes, pour prendre de leurs nouvelles et avoir leurs impressions depuis la fin du tournage et après sa diffusion. Autant vous dire que le délire continue et que certains n’ont toujours pas mis leur langue dans la poche. Si bien que si un Tiger King II venait à sortir dans un ou deux ans, cela ne nous surprendrait pas. Car aux États-Unis, oui, tout est possible, plus le moindre doute ! CQFD.
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