Le 9 juin 2020
Le film de Faraldo est un outrage à la bien-pensance, un brûlot libertaire qui n’a rien perdu de sa fureur. Une hérésie plantée dans le pied du cinéma français qui ne sera jamais allé aussi loin dans la transgression des tabous de notre société. Il fallait oser, Claude Faraldo l’a fait !
- Acteurs : Michel Piccoli, Béatrice Romand, Miou-Miou, Patrick Dewaere, Coluche, Marilù Tolo, Romain Bouteille, Claude Faraldo
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français
- Distributeur : CIC Distribution
- Editeur vidéo : Tamasa
- Reprise: 1er juillet 2020
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 1er mars 1973
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Résumé : Themroc est un ouvrier qui surprend un jour son patron en train de tromper sa femme avec une secrétaire ! Son chef tentant de le faire taire, il s’enfuit et part se barricader chez lui, retenant par la même occasion sa mère et sa soeur en otage. Themroc cède rapidement à la folie et la police va tenter d’intervenir...
Critique : Themroc, c’est Michel Piccoli un peintre en bâtiment. Durant les vingt premières minutes de film quasi muettes, on le suit dans son périple urbain de tous les jours : le réveil qui sonne, les transports en commun et le boulot débilitant (avec ces chefs, sous-chefs et grands patrons placardés sur les portes). Du genre métro-boulot-dodo, les séquences et les jours se ressemblent. Le rythme du film va alors s’accélérer au moment où Themroc aperçoit son patron flirtant avec la secrétaire. Sitôt découvert, Themroc comprend très vite que son emploi et son intégrité sont en jeu, il s’enfuit et entame une rébellion. La police le poursuivra jusque dans ses derniers retranchements, son appartement dans lequel il vit avec deux femmes, que l’on imagine être sa mère et sa sœur, et qui deviendra le camp de base de la révolte. Car dans cette caricature de la société française, les forces de l’ordre sont à la botte du grand capital.
Affublé d’un marcel et trimballant sa tignasse hirsute, Themroc se dresse contre le monde du travail et l’ordre républicain. Aucun dialogue dans le film ne devient dès lors intelligible, les situations se suffisent à elles-mêmes : tout n’est que cris, onomatopées, borborygmes et hurlements. Themroc se transforme en bête sauvage, grognant sa rage et évacuant ses moindres pulsions en les réalisant. Peu à peu, la communauté de l’immeuble se range aux côtés du chien enragé dans sa rébellion contre l’autorité. Cette communauté est campée par des seconds rôles incroyables : des habitués du Café de la Gare (Patrick Dewaere, Coluche, Miou-Miou, Henri Guybet, Romain Bouteille) ou encore Béatrice Romand découverte dans Le genou de Claire d’Eric Rohmer, jouant pour la plupart des doubles, voire des triples rôles.
Loin d’être un chef-d’œuvre de l’histoire du cinéma, Themroc raconte quelque chose de son époque. A l’image de l’art dans ces années-là, que ce soit dans la musique ou au cinéma, l’acte de création était un geste révolutionnaire. Themroc n’est pas vraiment à ranger sur l’étagère du film social, mais plutôt du côté du slapstick ou du film de genre, dynamitant le naturalisme dont nous sommes aujourd’hui abreuvés. Fable anarchisante et essai surréaliste, Themroc lorgne plutôt vers le cinéma politique et libertaire de ces années fastes, tel les filmographies de ses homologues Jean Luc Godard ou Guy Debord. C’était le temps où le public se déplaçait encore avec enthousiasme pour découvrir des films comme La Grande bouffe de Marco Ferreri ou Le Dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci : un souffle libertaire embrasait alors les cinémas du Quartier latin.
- Copyright Filmanthrope, Productions FDL
À sa vision aujourd’hui comme hier, il est de bon ton de prévenir : Claude Faraldo n’est pas venu au cinéma pour plaire. Le réalisateur y ose absolument tout et nous imaginons mal un tel projet voir le jour aujourd’hui : il y est question d’inceste (Themroc et sa sœur), de viol (par des policiers), de meurtre et même d’anthropophagie. Le film est d’ailleurs interdit aux moins de 18 ans lors de sa sortie en salles en 1973 et récipiendaire cette année-là d’un prix spécial du jury, au feu Festival International du Film Fantastique d’Avoriaz. D’aucuns lui reprocheront ses quelques longueurs, mais si Themroc a bien une chose pour lui, c’est de ne ressembler à aucune autre production, ce qui lui confère toujours son statut d’œuvre culte. Ce film, presque oublié des rétrospectives de festivals ou de cinémathèques, bénéficie enfin d’une ressortie DVD. Mais nous attendons encore impatiemment l’éditeur vidéo qui osera sortir de l’ombre un film introuvable jusqu’à présent sur nos platines de salon, véritable éloge de la paresse : Bof... (Anatomie d’un livreur) du même réalisateur. Et nos désirs de cinéphile seront alors véritablement comblés.
- Copyright Filmanthrope, Productions FDL
THEMROC (Claude Faraldo, 1973) from Spectacle Theater on Vimeo.
LE TEST DVD
On attendait depuis longtemps une réédition en DVD de ce titre devenu culte. La vraie bonne nouvelle est de pouvoir combler ce vide affreux de notre vidéothèque. Mais cette édition ne contente malheureusement pas toutes nos attentes.
Les suppléments :
Un seul bonus sur le dvd édité par Tamasa et Studio Canal tente de replacer en 9 courtes minutes Themroc dans le contexte de l’époque. On aurait aimé découvrir davantage d’archives concernant Claude Faraldo ou la place de Themroc dans sa filmographie.
L’image :
Themroc est encore dans son écrin d’époque, avec quelques griffures. Même si la copie comporte peu de parasites, l’image apparaît parfois un peu sombre et avec un léger manque de stabilité.
Le son :
Pas le choix ici, le film est uniquement proposé en mono. Le problème d’intelligibilité ne se pose pas, la langue parlée nous étant inconnue.
- Copyright Tamasa
Sortie DVD : le 20 octobre 2015
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